2011-07-31 --- Camping rudimentaire sur l'Isle La Motte
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De : Yvan
À : Parents et amis
Le : 31 juillet 2011 – 20:00
Objet : C’est parti !
Bonjour à tous
Suis actuellement assis, peinard, à quelques mètres des berges du lac Champlain, du côté américain, sur une île – l’Isle La Motte –, seul, tel un naufragé, genre Tom Hanks, dans Cast away.
J’ai planté ma tente sur un terrain dégagé, le long d’un boisé de feuillus.
Il est 19h00. Le tout premier jour de mon road trip en terre américaine est sur le point de se terminer. Grosse-Tête dort déjà dans la tente. Bruno passera la nuit entre les mâchoires de La Bête qui sera elle-même verrouillée à Johnny Boy. Ces trois-là monteront la garde durant la nuit, réglant ainsi la question de notre sécurité, à Grosse-Tête et à moi. Ceux qui connaissent La Bête admettront que je peux dormir en paix : quel fou osera en effet s’approcher de cette créature ?
À part ça, les cigales chantent en chœur, mais je n’entends plus les oiseaux. Les IVTI (les Insectes Volants Très Identifiés), étonnamment, ne sont pas trop nombreux ni trop voraces, ce soir, malgré la chaleur humide. Si le temps se rafraîchit, je devrais donc bien dormir, cette nuit, dans cette nature, en autant que je ne reçoive aucune visite désagréable – du genre moufette, ou du genre ours, ou encore du genre tueur-en-série-se-promenant-par-hasard-le-long-des-berges-de-l’Isle-La-Motte… Dans ces cas-là, pas sûr que même La Bête sera d’un quelconque secours…
Cette première journée a été très mollo. J’ai franchi la frontière vers 11h00, via un petit poste frontalier très peu achalandé, à 6 km au sud du village de Noyan, sur une route campagnarde quasiment déserte.
Noyan (1 400 habitants), c’est entre la rivière Richelieu et la baie Missisquoi, en Montérégie. Connaissez-vous ça ? Si vous répondez oui, alors là je tombe en bas de ma chaise, car le village ne tient que sur une centaine de mètres de diamètre sur une intersection de routes. Il faut donc être excessivement alerte pour passer dedans et s’en rendre compte en même temps…
Mais y’a au moins une église et un terrain de jeu pour nous prouver qu’on se trouve réellement dans un village.
J’avais préalablement choisi ce poste frontalier dans le but d’éviter la cohue – nous sommes quand même en plein milieu des vacances de la construction –, mais aussi parce que j’ai toujours trouvé que ces petits postes-là faisaient… romantiques ? D'accord, disons plutôt sympathiques… Mais ça, c’était jadis. Aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir. Une dizaine de caméras nous accueillent avant d’arriver au douanier américain. On se croirait au Pentagone.
Et celui que j’ai rencontré – le douanier – arborait justement son « air de bœuf » de circonstances.
Il n’y a eu aucune fouille, étrangement, mais l’interrogatoire a été serré : un homme seul, sans destinations précises, c’est le profil-type du voyageur louche. Mais je suis conscient de ne pas avoir moi-même aidé à instaurer un dialogue amical.
— Pourquoi avoir choisi ce poste-ci pour traverser ? m’a-t-il demandé d’un ton soupçonneux.
— J’en sais rien, ai-je répliqué du tac au tac. Je suis sur un nowhere. Je vais où je veux selon mon humeur du moment, c’est-tu clair ?
Je blague. On aura compris que j’ai été un peu plus subtil et délicat que ça.
Je me suis ensuite rendu directo à Burlington, dans le Vermont, petite ville d’environ 45 000 habitants, où je suis resté une couple d’heures à musarder, à pied, au hasard des rues, dans le centre-ville. Les artères sont propres ; les gens aimables. Ils ont leur rue touristique, eux aussi : une rue piétonnière, remplie de boutiques et de terrasses. Elle s’appelle Church Street. C’est apparemment là que ça se passe côté glamour, dans cet endroit.
Je donne donc raison à ceux qui m’avaient dit qu’il s’agissait d’une belle petite municipalité. Remarquez que j’y étais moi-même déjà venu à deux reprises, lorsque j’avais dans les 20-21 ans, mais seulement de nuit. Je n’avais donc rien vu, à part l’intérieur d’un bistro, où j’avais pris une petite bière. Le hasard m’a donc ramené dans ce lieu plus de trente années plus tard, mais de jour, cette fois, et pour y prendre une eau minérale. C’est ben pour dire…
Comme on peut le constater, mon petit périple n’est pas trop dépaysant pour le moment – et loin s’en faut. Mais c’est correct : il est sans doute préférable que j’apprivoise graduellement la solitude et le manque de confort avant de vivre des expériences plus heavy. J’y vais donc par petites étapes.
Déjà le crépuscule… Lorsqu’il fera noir, j’essaierai de lire à la lumière de ma lampe frontale. Quoique ce ne sera peut-être pas une bonne idée, étant donné que je n’ai apporté que des « livres de peur »… En passant, merci à M pour m’avoir fait connaître cet auteur, JC Somoza.
Sa lecture sera très d’adon avec l’ambiance qui m’attend tout à l’heure (obscurité totale, isolement au milieu de la forêt, absence de toute présence humaine, pullulement d’animaux sauvages, bruits suspects…). C’est curieux, et allez donc savoir pourquoi, en écrivant cela, il me revient tout à coup en mémoire certaines scènes du film Massacre à la scie radiale près du lac… Peut-être que ça a un rapport avec ma blague de tout à l’heure à propos du tueur en série. Tout bien considéré, je crois que je vais laisser faire Somoza pour ce soir.
Ben non, je blague encore. Premièrement, le film Massacre à la scie radiale près du lac n’existe pas. Je viens de l’inventer dans ma tête. Ensuite, je ne suis pas du tout isolé. Je suis…
En fait, je ne sais pas vraiment où je suis…
Sur un site de camping ? Ça ressemble à ça, mais je n’ai toutefois pas l’impression que ça en est un…
Je suis tombé sur cet endroit tout à fait par hasard, en roulant le long des berges du lac tout à l'heure. Il s’agit d’un grand terrain sur lequel sont installés seulement quatre gros VR. C’est tout. Il y a une grande bâtisse, en bas, mais tout est fermé. Le site est constitué d’une halte routière le long du lac, d’une petite chapelle où on semble donner des messes en plein air, d’une statue d’une sainte, d’un calvaire ainsi que d’autres statues de saints – plus modestes. Je me trouve vraisemblablement sur une sorte de site religieux
Avec les Américains, ce ne serait pas étonnant.
Anyway, les gens installés pas loin avec leurs VR – des Québécois – m’ont dit que je pouvais planter ma tente n’importe où, et m’enregistrer demain matin. Ce qui sera difficile étant donné que je compte quitter tôt.
À vrai dire, faudrait que je me couche de bonne heure, et que je passe une bonne nuit de sommeil, car demain, je compte partir très tôt, oui, justement – peu après le sunrise –, pour une centaine de kilomètres de vélo, avec Bruno et Grosse-Tête, à travers les îles.
J’espère à tout le moins que ce planning va fonctionner... La météo annonce une autre journée de chaleur accablante – avec orages en prime. Comme disent nos amis Français : « y’en a marre ! » (de cette fichue canicule). Dire que cette randonnée de demain était ma seule et unique activité planifiée de tout ce voyage. M’enfin, si je n’y vais pas, ce sera écrit que rien ne devait être planifié dans ce voyage. Ça m’apprendra.
Là-dessus, prenez soin de vous, et continuez de me donner de vos nouvelles !
Best regards !
Yvan
1er PS) Je me renseignerai mieux demain à propos de cet endroit où j’ai installé ma tente – ce truc religieux étrange.
2e PS) L’on aura sûrement noté que j’ai agrémenté mon texte de quelques expressions et mots dans la langue de Shakespeare. C’est juste pour prouver que mon anglais s’améliore réellement au contact des Yankees...
31 JUILLET 2108
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LA CAPSULE ENCYCLOPÉDIQUE
DES MAUDITS VENTS
Le 45e parallèle (une partie de la frontière québéco-américaine), est le point exact situé à mi-chemin entre l’équateur et le Pôle Nord.
Ils mettent d’ailleurs des pancartes un peu partout à travers le monde pour le souligner.
Et fait à noter : contrairement à ce qui est écrit partout dans les encyclopédies, la frontière québéco-américaine ne suit pas parfaitement le 45e parallèle. Ben non. Elle zigzague un peu au-dessus.
Par exemple, à l’endroit où j’ai franchi les douanes ce matin (au sud de Noyan), le vrai de vrai 45e parallèle se trouve à 1.37 km (à quelques mm près) au sud de la frontière,
On dirait ben qu’on s’en est fait passer une ‘tite vite par les Américains. Mais ce n’était pas la première fois, ni la dernière…
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