Rouler au coeur du monde --- par René Ouellet
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ROULER AU CŒUR DU MONDE
À 50 ans, il roule pendant 5 ans, 80 000 km, dans 60 pays, sur 6 continents
Par René Ouellet
Aux Éditions Bertrand Dumont
Les calepins des aventuriers – Récit de voyage
2010
325 pages
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SYNOPSIS (4e de couverture)
Quand, chaque jour, on lit les journaux, on regarde la télévision ou on s’informe sur Internet, on a l’impression que le monde qui nous entoure est fait seulement de drames, de méchancetés, de cruautés et d’agressivités. Pourtant, en parcourant le monde, perché sur sa bicyclette, René Ouellet découvre une tout autre perspective. Il prend plutôt conscience qu’il roule sur une planète imprégnée de bienveillance, de générosité, de solidarité…
Libre, il se laisse guider dans son voyage par la bonté humaine sans limites, dans cette humanité qui, comme il le dit lui-même, « n’a rien à voir avec l’argent ».
Allant à l’extrême de ses limites physiques qui sont d’ailleurs souvent dépassées, René Ouellet dans Rouler au cœur du monde, nous montre comment la liberté et la paix intérieure sont les gages d’une bonne santé physique et mentale qui conduit vers la sagesse.
En écrivant ce livre, René Ouellet veut convaincre le lecteur que la réalisation de nos rêves n’a pas d’âge, peu importe l’opinion des autres. De plus, il veut par l’exemple donner à chacun la capacité de voir dans l’autre l’altruisme, la compassion, bref, l’humanité.
L’AUTEUR (4e de couverture)
Jeune, René Ouellet ne fait rien comme les autres… ce qui lui vaut plusieurs réprimandes. Sortir de la voie dite « normale », être différent a toujours été son leitmotiv. À la fin de l’adolescence, il goûte un peu à la liberté, à l’aventure, deux mots qui lui collent parfaitement à la peau. Mais avant d’atteindre complètement cette merveilleuse sensation, il doit se plier à ses responsabilités d’adulte.
Puis, un jour, tout bascule. Il plonge dans son rêve, dans un voyage physique hors norme où, durant cinq ans, il roule au cœur du monde. Aujourd’hui, âgé de 60 ans, René Ouellet s’apprête avec sa compagne, Diane Anglehart, aussi dans la soixantaine, à repartir pour un autre tour du monde, pour un nouveau voyage intérieur.
photo : site ville.matane.qc.ca
MES COMMENTAIRES
Dans une chronique précédente, je faisais l’éloge d’une jeune fille dans la vingtaine qui, à mon sens, avait accompli une prouesse physique que je considérais comme extraordinaire : elle avait complété un difficile voyage à vélo de 8 000 km – dans les steppes de la Mongolie et dans les montagnes de l’Himalaya, entre autres – alors qu’elle était malade sans le savoir (voir Cadence, de Mélanie Carrier).
Eh bien, voilà que je viens maintenant de terminer la lecture d’un autre exploit de cycliste : celui d’un quinquagénaire, cette fois. Et celui-ci a parcouru la terre entière pendant 5 ans – et sur une distance de 80 000 km pour sa part ! On rit p’us…
Tabarnouche… Dans le temps que je faisais du vélo pour la peine, j’étais fier de mon été quand j’avais bouclé 3 000 km pout-pout dans la région autour de chez moi. La honte…
* * *
René Ouellet, donc, de Matane, Québec. Il avait 50 ans lorsqu’il a donné son premier coup de pédale pour entreprendre un tour du monde à vélo. Et quelles étaient ses raisons, à celui-là, pour tirer ainsi sa révérence de notre belle province ? Je ne suis pas certain d’avoir bien compris.
Il raconte en tout cas sommairement les événements précédant son départ… Il était divorcé depuis peu lorsqu’il a tenté de démarrer une business à Cuba. Pour ce faire, il a vendu tous ses biens – sauf un chalet. Mais l’affaire a foiré avant même de commencer, et il a été obligé de revenir au Québec. Il s’est alors installé dans son chalet où il a vécu de façon spartiate pendant un bout de temps. C’est là qu’il a pris cette décision.
Bon, d’accord, voilà pour le contexte. Mais ça n’explique pas sa motivation profonde.
Était-ce pour se prouver quelque chose ? Pour réaliser un rêve ? Pour balancer le train-train quotidien plate par-dessus bord et se sentir enfin libre ? Pour envoyer la société de consommation de merde se faire foutre ? C’était nécessairement l’une ou un ensemble de ces quatre raisons-là, car pour tous ces gens qui font comme lui, ça revient à peu près toujours, justement, à ces quatre raisons-là.
Bref, il a foncé. Et il s’était donné comme défi d’atteindre les six points géographiques extrêmes de tous les continents accessibles par la route. En étant tout à fait conscient, au fond, qu’il ne s’agissait là que d’un prétexte. Car comme l’a dit Lao Tseu (mais était-ce bien lui ?) dans son immense sagesse : ce n’est pas l’objectif qui est important, mais bien le chemin pour s’y rendre. Et René Ouellet savait cela.
photo : livre Rouler au coeur du monde
Alors go. La cérémonie du grand départ s’est déroulée le 3 août 2000. En passant, c’est incroyable de penser qu’à peine deux semaines plus tard (le 18), un autre Québécois, Jean Béliveau, s’engageait lui aussi dans un tour du monde sur un coup de tête – mais à pied dans son cas –, et qui allait durer 11 ans pour sa part (voir L’homme qui marche).
Mais voulez-vous bien me dire quelle sorte de maudits vents soufflaient à cette époque précise là ? Encore un peu et je me faisais moi-même happer par cette tempête. Il ne s’en est fallu apparemment que d’un cheveu. Ha !
Je reviens à René Ouellet. Il n’est pas parti seul, cette journée-là. Il s’était en effet trouvé un compagnon de voyage via un site Internet. Mais il a dû se séparer de lui en cours de route, au bout de quelques mois seulement, quelque part aux États-Unis, à cause de divergences de valeurs, et à cause d’une cadence de pédalage qui n’était pas du tout la même pour les deux. Ils se sont souhaité mutuellement bonne chance et ils ont dorénavant roulé chacun de leur côté. On ne sait malheureusement pas ce qu’est devenu ce deuxième homme. C’est dommage, car j’étais curieux de l’apprendre.
Une fois revenu chez lui, cinq ans plus tard, et une fois la décision arrêtée d’écrire son expédition dans un petit bouquin de rien du tout, l’auteur s’est nécessairement vu aux prises – comme tous les autres globe-trotteurs-écrivains de la planète – avec le terrible embarras de trancher sur ce qu’il allait rapporter, et sous quel point de vue il le ferait.
Je me mets à sa place, et personnellement, je n’aimerais pas être confronté à cette situation…
Pour un voyageur-aventurier de la sorte, et parmi les millions de souvenirs et d’anecdotes vécus, lesquels convient-il d’évoquer, en effet ? Et lesquels laisser sous silence ? Selon quels critères pratiquer cette ablation ? Et surtout : sous quel angle raconter l’histoire ? « Touristique » ? Anecdotique ? Celui de l’aventure pure ? Des contacts humains ? De la perspective environnementale ? Sociopolitique ? Psychologique ? Celle du voyage intérieur ? Un amalgame de tout cela ?
Mazette…
photo : site ville.matane.qc.ca
Notre voyageur a quant à lui choisi de mettre l’accent – surtout – sur les aspects « aventure », « humain » et « voyage intérieur » de son périple. De cette façon, une personne avertie en vaut deux : ceux qui préfèrent la description de lieux touristiques, ce livre n’est pas pour vous. Allez plutôt vous procurer Le Routard ou le Lonely Planet. Pour les autres, restez là…
1) L’aventure…
René Ouellet s’étend longuement sur les distances qu’il a parcourues, sur l’état des routes, sur les difficultés qu’il a bravées dans les montagnes, dans les déserts, dans les plaines balayées par des vents d’une grande violence ; ainsi que sur les périodes de lassitude, d’épuisement et de maladies qu’il a dû surmonter. Il n’épargne pas, non plus, la description des endroits – souvent insalubres – où il a dormi durant des nuits, ni non plus les menaces que certains individus mal famés ont fait planer sur lui plus d’une fois.
Et s’il a pu passer à travers de tout ça, c’est à cause d’un ensemble de traits de caractère qui pourraient se résumer à ceux-ci : une volonté de fer, un optimiste à toute épreuve et une maudite tête de cochon.
Je mets ici quelques exemples afin d’illustrer cette dernière « qualité » :
(page 64) « Je reçois, après avoir rencontré quelques Canadiens, des informations sur le Salvador. Leur recommandation est fort simple : ne pas y aller. Le taux de criminalité est l’un des plus élevés au monde. Un violent tremblement de terre vient de frapper le pays rendant les routes impraticables. Sachant bien, au fond de moi-même, que j’irai quand même, je les remercie. »
(page 109) « L’étape suivante est la traversée du désert d’Atacama entre Antofagasta et Chañaral. Comme c’est le désert le plus sec du monde, la plupart des cyclistes traversent ces 400 km de route en autobus. Par contre, pour moi, c’est un défi personnel et je m’y prépare sérieusement. »
(page 139) « Les Rangers demeurent à la limite d’une région de l’Afrique du Sud considérée comme très dangereuse : le Transkei, à environ 1800 km à l’est de Cap Town. Les Blancs me déconseillent de la traverser. S’ils doivent aller plus à l’est, ils font un détour par le Lesotho. Une fois encore, selon ma philosophie du danger, je décide de la traverser. »
Contre vents et marées, genre…
Mais cette détermination a été mise à rude épreuve en Afrique – en Éthiopie, notamment. En fait, le comportement – « sauvage » – des Éthiopiens a eu raison de lui : de là, il a pris finalement l’avion pour sauter par-dessus le Soudan et l’Égypte et se rendre directement en Grèce. À propos, ce n’est pas le premier voyageur qui s’est découragé de traverser ce pays – l’Éthiopie – qui semble l’un des pires de la planète touristiquement parlant. Bruno Blanchet en avait déjà glissé un mot dans ses chroniques. Et comme certains le savent : je crois TOUT ce que dit Bruno Blanchet.
2) Les contacts humains…
L’auteur revient également très fréquemment et très longuement sur les gens qui l’ont accueilli tout au long de sa route. Des gens qui lui ont offert de l’eau, de la nourriture, un gite et leur amitié. C’est d’ailleurs, sans doute, cet aspect de son voyage qui semble l’avoir le plus marqué : celui d’avoir été constamment témoin de la bonté de l’être humain, de sa gentillesse, de sa sincère générosité et de son sens de l’hospitalité.
Le livre s’attarde justement sur de multiples épisodes où des familles (des riches comme des pauvres), plutôt que de le laisser dormir dans sa tente, l’ont invité à pénétrer dans leurs maisons pour qu’il puisse prendre une bonne douche chaude, se restaurer d’un bon repas chaud, et se reposer dans un bon lit chaud. De gens, également, qui, lorsqu’ils le croisaient, l’abordaient spontanément pour lui offrir à boire ou à manger, comme ça, en pleine rue.
Photo : site ville.matane.qc.ca
Certains l’ont même hébergé gratuitement pendant plusieurs jours d’affilée – sinon pendant des semaines. Et parmi eux, quelques-uns, profitant de sa présence réconfortante – et probablement aussi à cause de sa bonne bouille de grand-papa –, se sont confiés à lui, comme s’il était leur père…
3) Le voyage intérieur…
Pédaler pendant des milliers de kilomètres sur des routes monotones ou dans des conditions extrêmes a évidemment permis à cet homme d’entrer minimalement dans son univers intime et de dialoguer silencieusement avec lui-même. Et il en est passé des réflexions, bien sûr, dans ce cerveau, pendant toutes ces heures de solitude : des réflexions sur l’être humain et sur son rapport avec le monde dans lequel il vit, sur l’âme, sur la destinée, sur Dieu. Mettez tous les sujets spirituels que vous voulez : il les a tous abordés. Dont un – un sujet – qui m’a interpelé plus particulièrement…
Il raconte en effet toutes les coïncidences qui sont survenues pendant ses années de cavale. Des coïncidences impossibles à expliquer rationnellement. Des coïncidences tellement régulières et tellement significatives que, pour lui, cela en est devenu mystique. Mystique dans le sens qu’il est tout à fait impensable que le hasard en soit la cause – hasard pris dans le sens scientifique « statistiques et probabilités » du terme. Pour lui, l’affaire est maintenant claire depuis longtemps : tous ces hasards-là sont « arrangés avec le gars des vues ».
Et pis pour lui aussi, c’est la même tabarnouche de frustration : celle d’être tout d’abord convaincu qu’il y a un montreur de marionnettes qui tire les ficelles de notre destinée, mais de n’avoir aucune idée de l’identité de cette entité ni des raisons qui la motivent (page 183) : « Le plus difficile n’est pas tant de croire ou de ne pas croire, mais d’admettre qu’il peut y avoir une force surnaturelle qui dirige ma destinée. Non pas que cela me fasse peur, au contraire, car c’est, pour moi, la conclusion la plus logique, mais j’aimerais comprendre comment cela fonctionne. »
* * *
Le périple hors normes de René Ouellet est condensé dans un livre de format standard de 325 pages. C’est écrit au présent de l’indicatif, comme s’il racontait son histoire au fur et à mesure qu’il avançait. La plupart des récits de voyage sont écrits de cette façon. Mais ici, les temps de verbes – un de mes irritants – sont parfois mêlés… Quelquefois, ce qui se déroulera dans son futur – par rapport à son présent – est écrit également au présent. D’autres fois, certains passages sont écrits au passé alors qu’il se trouve encore dans le présent.
Je me permets cette remarque, car ça m’agace toujours un peu cette liberté de temps de verbes non respectés Genre, celui-ci (page 178) : « Pendant qu’ils y étaient, un attentat à la bombe dans une discothèque a tué plusieurs touristes. Le soir du drame, ils devaient y être, mais changèrent d’avis à la dernière minute. » Pourquoi ce passé simple, au juste ? Ils avaient changé d’avis, peut-être ? Genre aussi ce passage-ci (page 220), après s’être exprimé en ayant recours au temps présent, comme d’habitude : « Quelques mois plus tard, en Australie, j’écoutais le reportage d’une journaliste australienne qui passait quelques jours dans le désert du Qatar. » L’auteur est au présent, il fait référence au futur, et il utilise le passé…
M’enfin, il se peut que je cherche trop les bibittes… Autrement dit, ça n’a sans doute aucune importance…
D’autre part, le style d’écriture est conventionnel, c’est-à-dire sans originalité particulière : l’auteur n’est pas un écrivain, mais il s’en tire néanmoins assez bien. De sorte qu’on n’est pas nécessairement suspendu à cette lecture au point d’en oublier de manger et d’aller se coucher, mais on passe quand même à travers, petit train va loin, pout-pout, sans trop s’ennuyer.
Au finish, une autre histoire qui invite les éternels rêveurs à passer à l’action en balayant l’excuse classique de l’âge d’un revers de la main. Et qui envoie aussi promener tous ceux qui assomment quotidiennement les gens de leur entourage pour qu’ils restent « dans le rang ».
* * *
PS) Une quarantaine de photos, rassemblées au milieu de l’ouvrage, nous permettent de suivre l’auteur partout dans le monde de façon concrète.
PS) J’ai souri en lisant un passage particulier (page 30) : « Hahnville, Louisiane – C’est le soir de l’Halloween et je campe dans un cimetière à la sortie de la ville. De quoi donner le frisson à plusieurs personnes ! »
Pourquoi j’ai souri ? Parce que j’ai fait la même chose – coucher dans les cimetières – lors de mon road trip dans l’état de New York il y a de cela quelques années, et que certains m’ont alors traité de fou. À noter que Jean Béliveau a fait pareil au moins une nuit, au cours de sa longue marche. Cela dit, voilà, je suis maintenant rassuré : je ne suis peut-être pas si fou que ça, en fin de compte, la la la la lèèère…
MON APPRÉCIATION
(pour bien comprendre l’attribution de cette cote, lire rapidement ceci)
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Apparemment aucun
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