Cadence --- par Mélanie Carrier
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CADENCE
8000 km à vélo de la Mongolie à Kolkata
Par Mélanie Carrier
Aux Éditions Espaces
2007
159 pages
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SYNOPSIS (4e de couverture)
D’où leur est venue l’idée de réaliser ce périple de plus de 8000 kilomètres à travers l’Asie ? En mai 2005, Mélanie Carrier et Olivier Higgins partent pour une grande traversée en vélo qui les transporte des peuples nomades de la Mongolie à la plaine du Gange, en Inde, en passant par le Xinjang, le désert de Taklamakan, le Tibet et le Népal. Un grand périple motivé par le rêve de réaliser leur premier film : ASIEMUT.
Passages frontaliers, tempêtes de sable, entrée clandestine au Tibet, villes surpeuplées de l’Inde… Ce qui caractérise avant tout cette aventure, ce sont ses rencontres inédites. Au rythme de ses coups de pédale, Mélanie affronte la plus grande épreuve d’entre toutes : celle de se confronter à ses propres limites…
L’AUTEUR : MÉLANIE CARRIER (texte de la 4e de couverture)
Mélanie Carrier est née à Québec en 1979. Biologiste de formation, conférencière et passionnée d’écriture, elle a réalisé des projets en environnement à Madagascar, en Inde et au Népal. Sa grande passion sportive, l’escalade, l’a transportée sur les plus belles falaises du monde. Son premier film, ASIEMUT, tirée de cette grande traversée à vélo de 8000 kilomètres en Asie, a remporté de nombreux prix à l’étranger. Cadence est son premier livre.
photo : site asiemut.com
MES COMMENTAIRES
Depuis un bout de temps, l’Occidental privilégié que je suis procède à un exercice de relativité très simple lorsqu’il a tendance à se lamenter sur son sort ou à glorifier son petit ego. Le jeu consiste à se comparer à mille fois pires que soi – ou à mille fois mieux, c’est selon. Ce qui n’est pas du tout difficile à réaliser pour peu que l’on se prête de bonne foi à cette sorte de scénarios.
Quelques exemples illustreront rapidement ce que je veux dire…
Lorsque je m’apprête à me plaindre de ne pas retrouver ma marque de céréales préférée sur les tablettes de l’épicerie, je pense à ceux que j’ai rencontrés en Inde, et qui triment comme des malades à partir du lever du soleil juste pour avoir de quoi acheter quelques grains de riz à leurs enfants pour le repas du soir. Ou encore, lorsque je suis sur le point de me lamenter à cause d’une vilaine grippe – une grippe d’homme, évidemment – qui dure depuis quelques jours, je me remémore les gens que je connaissais qui ont combattu le cancer à grands coups de chimio.
Vous voyez le genre ?
Dans la même veine, lorsque j’ai tendance à me péter les bretelles parce que j’ai réalisé une prouesse physique considérée comme « difficile » selon nos critères de sportifs assis, je me compare à Mélanie Carrier et à l’exploit qu’elle a elle-même relevé alors qu’elle était dans la jeune vingtaine, et dont elle raconte l’aventure dans ce livre-ci – Cadence – et dans son film, Asiemut.
Bref, après la lecture de ce récit, notre pauvre ego en mal d’attirer l’attention en prend alors pour son rhume, et cela ramène notre insignifiante personne à davantage d’humilité.
Pour ce qui est de ce personnage étrange – je fais référence à l’auteure, Mélanie Carrier –, je ne veux surtout pas dénigrer son compagnon de route – et amoureux –, Olivier Higgins, mais ça me jette littéralement par terre de constater que cette petite fille de la région de Québec, toute menue, qui nous semble aussi fragile qu’un fétu de paille sur les photos du bouquin, que cette jeune femme, oui, a complété les mêmes exploits physiques que son chum ; et qu’elle a – en plus ! – accompli la moitié de ce périple alors qu’elle était atteinte d’une grave maladie (je vous dirai laquelle plus loin).
« Mélanie affronte la plus grande épreuve d’entre toutes », est-il écrit en 4e de couverture, « celle de se confronter à ses propres limites. » Cette expression est un parfait euphémisme, car à la lecture de ce livre, on admet volontiers que très peu de personnes auraient terminé ce qu’elle a réalisé – dont des hommes beaucoup plus costauds et en forme qu’elle.
photo : site asiemut.com
Mais là, je pense que je vais trop vite… Je commence par le début, d’accord…
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Le jour où ils ont décidé d’accomplir ensemble une longue randonnée en vélo, Mélanie Carrier et son chum, Olivier Higgins, se connaissaient déjà depuis un certain temps et partageaient les mêmes valeurs et la même soif d’aventure. Et ils n’en étaient pas à leurs premières armes en tant que voyageurs et sportifs. Mais ils n’avaient quand même jamais tenté ce genre de périple – à vélo – de toute leur vie. Mettons que pour une première expérience, ils avaient vu… grand… Un méchant défi, en tout cas, c’est le moins qu’on puisse dire. Lorsqu’ils auront terminé – au bout de six mois –, ils auront parcouru 7951 kilomètres dans des conditions extrêmes.
En fait, des milliers de gens – des jeunes pour la plupart – partent en vélo en sillonnant la planète avec une tonne de bagages sur leurs racks à bicycles. Mais très peu se rendent où sont allés Mélanie et Olivier. Et très peu se risquent sur la sorte de routes que ces deux téméraires ont attaquées de front.
C’est le désir de tourner un film qui les a poussés à entreprendre cette extraordinaire expédition : un film retraçant leurs futures aventures et décrivant les populations qu’ils allaient côtoyer, c’est-à-dire les Mongols, les Chinois, les Tibétains, les Népalais et les Indiens.
photo : livre Cadence, par Mélanie Carrier
Pourquoi précisément ces peuples-là ? Ce n’est pas très clair. Mais toujours est-il que ce film verra le jour peu de temps après leur retour. Il aura pour titre Asiemut et il gagnera 35 prix à travers le monde !
Ce succès incitera d’ailleurs ensuite ce couple de globe-trotteurs marginaux à lancer leur propre boîte de production cinématographique – Mö films. Mais ceci est une autre histoire. Je reviens plutôt à Cadence, le bouquin qui relate en mots les images du film, et qui nous plonge textuellement dans l’univers de cette formidable odyssée.
En mai 2005, ils ont commencé par rallier la ville d’Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie, par voie aérienne. Et de là, ils se sont aussitôt enfoncés en vélo à travers les steppes mongoles, dans des conditions souvent épouvantables : déserts, chemins de terre impraticables, cols de montagnes, violents vents de face, pistes très mal balisées, cartes routières inutilisables, pénurie d’eau et de vivres, manque d’hygiène corporelle, poussant leurs bécanes à bout de bras, pataugeant dans la boue, leurs organismes réagissant très négativement à certaines nourritures, assoiffés…
photo : site asiemut.com
Au bout de 2000 kilomètres, ils sont parvenus à la frontière chinoise pour se voir refuser le droit d’entrer dans ce pays. Complètement découragés, mais n’acceptant pas l’idée de refaire à l’envers tout ce trajet déjà parcouru, ils ont consenti à donner une importante somme d’argent à un homme tenant une agence de voyages et qui s’est « arrangé » avec tous les papiers nécessaires – en distribuant probablement quelques pots-de-vin ici et là.
Et ils ont pu dès lors poursuivre leur aventure à travers le nord-ouest de la Chine ; via un circuit asphalté, ce coup-ci, mais pas moins facile pour autant – et tant s’en faut : traversée du désert de Taklamakan sous des températures de 40-45 degrés – parfois même 50 ! –, diverses maladies (diarrhées, abcès purulents…), tempêtes de sable (encore), épuisement…
photo : site asiemut.com
Plusieurs semaines plus tard, la Chine refusant de laisser entrer des étrangers au Tibet, ils ont malgré tout franchi cette frontière, illégalement, de nuit, en contournant les postes de contrôle, pour continuer leur route à travers le plateau tibétain. Route qu’ils ont suivie dorénavant avec la crainte constante des gendarmes chinois.
À 500 kilomètres de Lhassa, Mélanie a lancé la serviette. Aux prises – encore une fois – avec une tumescence grosse comme une balle de golf à l’aine, complètement vidée, elle n’en pouvait plus et a déclaré momentanément forfait.
photo : site asiemut.com
Le couple a alors rencontré un bon Samaritain qui les a conduits en auto jusqu’à la capitale, où ils se sont accordé un repos pendant quelques jours avant de remonter en selle et d’entreprendre la chaine himalayenne via de gigantesques cols, dont quelques-uns culminant à plus de 5000 mètres d’altitude !
Et ils sont entrés au Népal où le nombre d’habitants au kilomètre carré s’est accru, et où ils ont vécu leur première expérience de violence. Ils ont en effet été attaqués par des voyous, et le tout a failli tourner au fait divers le plus brutal. Dans ce pays, Mélanie a en outre été de nouveau aux prises avec une bosse angoissante remplie de pue, et des douleurs insoutenables au foie.
Et ils sont finalement parvenus en Inde, le but de leur périple, dont ils ont traversé la partie septentrionale à travers une densité de population défiant l’entendement.
Fin du voyage à Kolkata (Calcutta), avion, retour au Québec.
Une fois revenue chez elle, toujours au bord de l’épuisement, Mélanie a passé une batterie de tests médicaux pour apprendre une nouvelle effarante : elle était atteinte d’une mononucléose. Et elle avait vraisemblablement accompli la moitié de son expédition avec cette maladie dans le corps ! Inimaginable, mais vrai… Inimaginable lorsqu’on sait qu’une personne normale aux prises avec cette affection doit être mise au repos forcé pendant plusieurs semaines avant de pouvoir reprendre le boulot.
Cela dit, qui est cette jeune fille au juste ? Une alien ? Une Wonder Woman ? Je lui lève en tout cas mon chapeau bien haut !
Et une chose qui m’a étonné – une de plus ! –, c’est de me rendre compte à quel point ces deux moineaux ont été « protégés » tout au long de leurs pérégrinations. Quelques exemples…
Ils étaient en train de mourir de soif dans un lieu abandonné au milieu de nulle part, dans un désert, et hop ! un prospecteur est passé tout à coup par là et il a rempli leurs gourdes jusqu’à plus soif. Un peu plus tard, Mélanie était aux prises avec une vaginite aigüe l’empêchant dorénavant de faire un kilomètre de plus, et hop ! ils ont abouti dans un tout petit village paumé, situé dans un endroit impossible, et dans lequel une authentique pharmacie les attendait. Un peu plus loin, ils ont été attaqués par une bande de voyous drogués et le tout était sur le point de dégénérer, et hop ! un jeune homme qui marchait par là tout à fait par hasard les a sortis de ce mauvais pas et les a invités à dormir chez lui, à l’abri.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je lis ce genre d’anecdotes rapportées par des aventuriers en herbe : ceux-ci sont dans le pétrin jusqu’au cou, et une aide providentielle surgit soudain comme ça, « par hasard », pour les en extirper. Cela m’est même personnellement arrivé à quelques reprises. Comment peut-on expliquer de telles coïncidences ? Je l’sais-tu, moi ? Il y a de la transcendance là-dessous, à tout le moins, c’est moi qui vous l’dis…
Toutes ces souffrances physiques n’ont quand même pas empêché les deux baroudeurs de désirer fortement comprendre les gens qu’ils croisaient, de s’imprégner de leurs cultures, et de participer à leur quotidien. Ce qu’ils ont réussi quelquefois à réaliser, rapidement, en se faisant inviter à prendre le thé et partager des repas ; et en intégrant certaines vies de famille pendant quelques jours d’arrêt, et ce, dans toutes les régions qu’ils ont sillonnées.
photo : site asiemut.com
Je terminerais en mentionnant que j’ai beaucoup aimé l’approche humaniste et les questionnements de l’auteure par rapport aux nations qu’elle a traversées et par rapport aux peuples qu’elle a côtoyés. Pour une jeune fille dans la mi-vingtaine, elle porte un regard très mature sur la société – à la fois naïf et lucide. Elle pose des questions – probablement les bonnes – sur les populations, l’injustice sociale, la corruption des gouvernements… Et même si elle n’a pas de réponses à donner, elle prouve tout au moins sa belle et généreuse ouverture sur le monde ainsi que son égard envers les plus démunis de la planète.
À la lecture des propos précédents, croyez-vous que j’ai apprécié ce livre ?
Mettez-en.
J’ai adoré, oui. Cadence est une véritable aventure humaine, de dépassement de soi, de courage, et de voyage intérieur. C’est aussi une description – sommaire – de peuples méconnus ; une sorte de tourisme solidaire, respectueux des gens et de leur environnement ; et un exemple à suivre pour nous motiver nous-mêmes à entreprendre des projets difficiles.
À lire et à relire.
Et ne pas oublier de se procurer et de visionner leur film Asiemut.
MON APPRÉCIATION
(pour bien comprendre l’attribution de cette cote, lire rapidement ceci)
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