À vélo jusqu'au ciel --- par Pierre-Yves Tremblay
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À VÉLO JUSQU’AU CIEL
Récit d’un tour du monde
Par Pierre-Yves Tremblay
Aux Éditions JCL
1999
386 pages
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SYNOPSIS (4e de couverture)
Certains rêvent de voyage, d’autres poursuivent leur rêve jusqu’aux confins du monde et d’eux-mêmes. Pierre-Yves Tremblay est de ceux-là.
Parti de Chicoutimi en juillet 1994, il s’envolera d’abord pour l’Europe et montera son Devinci pour pédaler pendant 863 jours autour de la Terre en osant même flirter avec les sommets de l’Himalaya.
Vingt-cinq mille kilomètres plus tard, cet Ulysse des temps modernes nous ouvre son journal de bord. On y découvre alors les vrais motifs qui poussent les géants à se surpasser.
L’AUTEUR (site : Éditions JCL)
Pierre-Yves Tremblay est né à Chicoutimi en 1970. Dès sa tendre enfance, il a fait plusieurs voyages en famille: la Floride, les Antilles, les Alpes françaises. À l’âge de 12 ans, il passe l’été dans une famille d’accueil en Colombie-Britannique afin de parfaire son anglais. À 15 ans, il complète sa première randonnée importante à bicyclette: 600 kilomètres entre Chicoutimi et Québec, en passant par La Malbaie. L’été suivant, il se rend jusqu’à Montréal en passant par La Tuque, un parcours de 1 200 kilomètres. Un mois plus tard, il s’envole pour l’Allemagne où il passera un an à étudier la langue germanique. Il en profite pour visiter la Suisse, l’Autriche et l’Italie.
À son retour au Québec, il fait ses études collégiales puis entre à la faculté de Génie de l’Université McGill, où il complète un baccalauréat en génie civil en 1994. Pendant l’été, afin de subvenir à ses besoins financiers, il travaille au reboisement des forêts du nord de l’Ontario. Il a effectué, à la fin de l’été 1991, la traversée du Canada à vélo: 5 205 kilomètres en 29 jours.
C’est à la fin de ses études qu’il réalise son rêve de visiter le monde à vélo. Il quitte le Saguenay en juillet 1994 et parcourt 25 000 kilomètres à travers la France, la Suisse, l’Italie, la Grèce, la Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Inde, la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, l’Australie, les États-Unis et le Canada. Depuis son retour, en novembre 1996, il agit à titre de conférencier invité pour différents organismes. En janvier 1997, il décide de compléter son journal de voyage, À vélo jusqu’au ciel, afin de le faire éditer.
Pierre-Yves Tremblay a travaillé comme ingénieur junior, de novembre 1997 à décembre 1998, dans une firme d’experts conseil où il a réalisé des expertises géotechniques. En janvier 1999, il effectue un retour aux études à l’École Polytechnique de Montréal, dans le but d’y obtenir une maîtrise en Génie mécanique.
Il a été plusieurs fois médaillé ou champion lors de compétitions sportives régionales ou provinciales au tennis, au badminton et au tennis de table. Il a fait partie de la ligue intramurale de l’Université McGill en flag-football, en ballon-balai et en soccer. Il a aussi suivi une formation en plongée sous-marine lors de son séjour en Australie en 1996.
L’auteur offre des conférences partout au Québec.
photo : site jcl.qc.ca
MES COMMENTAIRES
Ce livre n’est pas jeune. Il a été édité en 1999. Cela fait donc près de 19 ans à ce jour. Le voyage dont il y est question a été réalisé, pour sa part, de juillet 1994 à novembre 1996. Le cycliste lui-même avait 24 ans lorsqu’il est parti. Il en a aujourd’hui quelque chose comme 47. Il en a coulé de l’eau sous les ponts, comme on dit.
Au moment où il a accompli son périple, les gens de sa trempe étaient peut-être plutôt rares. Mais si c’était le cas, les temps ont changé, et même si les cyclistes-aventuriers ne se bousculent pas encore au portillon de nos jours, il en existe quand même des milliers. Et ses 25 000 km de vélo peuvent maintenant sembler bien peu comparativement, par exemple, aux 80 000 parcourus, eux, par le cinquantenaire René Ouellet (voir Rouler au cœur du monde), de 2000 à 2005.
Bien « peu » ? Oui, je sais : facile à dire quand on est assis bien douillettement dans son salon en comparant des bouquins d’aventure les uns aux autres.
La réalité, c’est que peu importe l’âge de l’aventurier(ère), peu importe le nombre de kilomètres que celui-ci (celle-ci) a avalés, et peu importe de quelle époque il s’agit, la réalité, oui, c’est que cette personne a un jour décidé de sortir largement de sa zone de confort et d’attaquer un tour de la planète dans des conditions éprouvantes et dangereuses. Et que nous n’avons finalement qu’à nous incliner bien bas devant une telle initiative. Et qu’à lui être reconnaissant de nous faire vivre par procuration ce que nous n’avons jamais osé entreprendre nous-mêmes.
* * *
Pierre-Yves Tremblay, un Québécois de Chicoutimi, est parti avec deux compagnons d’aventure. Les trois gais lurons étaient jeunes, ils étaient enthousiastes et fougueux, ils étaient en forme, et ils avaient envie de vivre un trip hors normes. Alors go ! Pourquoi pas, hein ? À 24 ans, entre la fin des études et le début du marché du travail, c’est le temps ou jamais de contenter une telle fringale de liberté et de défis à surmonter. Le train-train quotidien reviendra bien assez vite pour nous mettre le grappin dessus, et pour bien assez longtemps.
Mais voilà : la réalité les a rapidement rattrapés. Une fois dépassé le monde occidental (l’Europe), les ennuis ont commencé : un des trois a déclaré forfait (en Turquie), trois mois après le départ, à cause des contrecoups d’un virus foudroyant ; et un deuxième a également abandonné quelques semaines plus tard en Iran, des suites de problèmes chroniques aux genoux. Malgré une trouille carabinée, Pierre-Yves a décidé envers et contre tous de poursuivre en solitaire. Sept mois plus tard, sa blonde est venue le rejoindre en Thaïlande, et ils ont continué le périple à deux jusqu’en Australie. Il est finalement rentré chez lui, seul, en traversant l’Amérique, à partir de Los Angeles.
Petite parenthèse : il y a une erreur dans le synopsis de la 4e de couverture. Il y est dit, en effet, que l’auteur a pédalé pendant toute la durée de son absence du pays, soit pendant 863 jours (2 ans et 4 mois). C’est faux. En réalité, il a pédalé pendant 50 % de cette période. Le reste du temps, il a voyagé en avion et en bus. Et il est même demeuré sédentaire (à Brisbane, Australie) pendant 8-9 mois.
Cela spécifié, deux sortes de récits composent ce bouquin : l’aventure vécue façon routard, et celle vécue façon cycliste. L’ambiance est différente pour chacune d’entre elles.
Façon routard…
Lors de ces épisodes, Pierre-Yves s’attarde sur les sites qu’il a visités à la manière d’un touriste presque trad : portrait des lieux, un peu d’histoire, un peu de contexte sociopolitique...
Il glisse aussi quelques mots sur les endroits où il a dormi. Il s’agit la plupart du temps de petites pièces minables et pas trop chères. Il aime bien insister, d’ailleurs, sur la description de ce genre de chambres – souvent crados – qu’il a occupé, désirant probablement démontrer à quel point voyager en routard sans argent, comme il l’a lui-même fait, exige de s’adapter à des conditions très inconfortables.
Et cela va même plus loin que ça…
Un moment donné, sa mère vient le rejoindre en Malaisie pour quelques semaines ; il l’accueille à l’aéroport et l’emmène loger directement dans l’un de ces bouges pour backpakers sans le sou. Tout ça, apparemment, dans le but de lui « enseigner » la véritable manière de voyager. Heureusement, sa mère semble adorer de se faire professer de la sorte par son fils qui « sait », lui, comment ça se passe dans la vraie vie… Ouf…
Façon cycliste…
Lorsqu’il pédale, il s’attarde moins sur le côté tourisme de son voyage que sur l’aspect « aventure ». Et ce que l’on en retient, c’est qu’il en a arraché en tabarnouche. Il ne nous cache rien de ses souffrances et de ses périodes de (très) profond découragement. Tout au long de son avancée, il a fourni des efforts extrêmes, il a surmonté le froid et la chaleur extrêmes, et il a subi des maladies extrêmes. Je me moque un peu (assis bien confortablement dans mon fauteuil, toujours), mais il n’en demeure pas moins qu’il a quelquefois failli mourir – particulièrement lors d’une maladie en Inde. Les épreuves semblent en tout cas lui avoir laissé très peu de répit.
On se demande en fait s’il a vraiment apprécié le choix de se véhiculer ainsi en vélo. Ce que j’en déduis personnellement, c’est qu’il n’a pas tant aimé d’avoir accompli ce périple en vélo que d’avoir largement dépassé ses limites physiques et morales et d’en ressentir une immense fierté.
* * *
Quelques commentaires en vrac…
1) La narration…
Comme bien des récits de voyage, celui-ci est écrit au présent de l’indicatif et de façon chronologique, exactement comme un journal de bord :
- « Jour 174 – Lahore, Pakistan – Le 4 janvier 1995 », bla-bla-bla…
- « Jour 310 – Srinagar, Inde – Le 20 mai 1995 », bla-bla-bla
Cette façon de procéder – traditionnelle –, en plus des cartes détaillées de son parcours qui sont disséminées ici et là, nous permettent de le suivre au jour le jour sans perdre le fil de son odyssée.
photo : livre Rouler jusqu'au ciel
2) Les photos…
Contrairement aux livres habituels relatant des récits de voyage, les photos fournies par l’auteur ne sont pas regroupées au milieu du bouquin, mais dispersées un peu partout au gré du moment où en est rendue l’histoire. Ça aurait été très bien si ce n’était que les clichés sont en noir et blanc, et qu’elles sont – surtout – de très médiocre qualité. Pas fort de la part de l’éditeur…
3) Un passage à faire frissonner…
Voilà l’extrait en question : il est avec sa blonde dans un bled complètement paumé de Bornéo. Les deux se lèvent un matin et réalisent que tous leurs papiers et tout leur argent ont disparu de leur sac. Ils se sont fait tout voler pendant leur sommeil : passeport, cartes de crédit, monnaie, la totale. Ils n’ont plus un rond. Et ils racontent comment ils ont réussi à s’en sortir.
Cela m’a fait frissonner, car pendant ma lecture, j’ai tenté de m’imaginer dans cette situation – le pire cauchemar du voyageur – et je me suis mis à réfléchir sur la façon dont je me tirerais de ce mauvais pas si ça m’arrivait.
En fait, encore cette fois-ci, je préfère penser à autre chose…
4) L’ange…
Comme une foule d’autres aventuriers du même acabit, et à cause de toutes les « coïncidences » qui sont survenues au cours de son périple – et qui l’ont sorti de plus d’un pétrin –, Pierre-Yves est convaincu qu’une « présence » l’accompagne silencieusement et organise les événements qui jonchent sa route. Il nomme cette présence, son « ange ». J’en ai déjà glissé un mot dans des chroniques précédentes : ce phénomène est quasi récurrent, et les gens qui le vivent n’ont plus aucun doute quant à sa réalité.
5) La performance…
J’ignore ici comment traduire (sans paraitre condescendant) ce qui, à mon avis, se dégage de ce livre…
Ce que ce jeune homme a mené à terme est certes fabuleux dans un sens. Mais à la lecture de son compte-rendu, on croirait qu’il a accompli « the most extraordinary and incredible adventure of the world ». Pour réussir cet exploit, il a avancé ventre à terre du début jusqu’à la toute fin. On le prend d’ailleurs souvent en pitié tellement certains passages sont racontés de façon passionnément pathétique.
Or, en vérité – et bien objectivement –, ce qu’il a réalisé, bien d’autres baroudeurs l’ont fait à travers le monde – avant, pendant et après lui ; et plusieurs parmi ceux-ci ont accompli davantage encore. J’en prends pour exemple Mélanie Carrier qui a traversé – entre autres – les steppes mongoles, un désert et la chaine himalayenne, et alors qu’elle était aux prises avec une maladie chronique. J’en prends également pour exemple, encore une fois, René Ouellet (50-55 ans !) qui a roulé trois fois plus de distances que lui, et dans des conditions aussi extrêmes, sinon pires, que les siennes ; et Jean Béliveau (45-56 ans) qui a marché sur tous les continents pendant 11 ans en poussant un petit chariot à bout de bras… Cette liste est loin d’être exhaustive.
Mais bref, comme je le mentionnais au début, qui suis-je, moi, pour porter un jugement, en lisant son histoire dans mon salon alors que le seul vélo que j’ai fait dans ma vie, c’est autour de chez moi et sur quelques routes dispersées ici et là ? « Commence par faire ce que j’ai fait, bonhomme », pourrait me dire Pierre-Yves, « et après, on en reparlera ».
Et il aurait bien raison !
MON APPRÉCIATION
(pour bien comprendre l’attribution de cette cote, lire rapidement ceci)
SITE DE L’AUTEUR
Apparemment aucun
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