L'ennemi public numéro un
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Décourageant. C’est à se tirer une balle dans la tête pour en finir tout de suite.
Voyez-vous une solution, vous ? Je vous pose la question parce que moi, je n’en distingue aucune. En tout cas, aujourd'hui plus particulièrement, je me sens complètement dépassé et impuissant. Ma seule consolation – et ce n’en est pas du tout une –, c’est que je mangerai des pissenlits par la racine avant que ne survienne la débâcle finale.
Je fais évidemment référence à la Terre qui s’en va irrémédiablement vers sa mort – c’est un fait entendu.
En guise d’intro, je fais part d’une série de jérémiades personnelles qui ont déjà été rabâchées un million de fois par d’autres révoltés que moi – et inutilement…
Et c’est parti…
La Terre est une gigantesque poubelle à ciel ouvert. Peu importe où vous vous trouvez – sur la terre ferme, sur la mer, dans les montagnes, et même dans l’espace –, vous verrez obligatoirement des détritus au bout de quelques secondes à peine d’observation : des petits sur le bord de la route, mais aussi des immenses – les cimetières de navires, par exemple. Ces ordures, pour la plupart, ne se dégradent que très lentement. C’est un processus qui s’étale sur plusieurs centaines, voire sur plusieurs milliers d’années. Et il s’opère en contaminant les eaux et les terres – et donc les nappes phréatiques. Autrement dit, l’eau que nous buvons s’empoisonne inexorablement.
Il y a également les richesses naturelles qui s’épuisent. Bien sûr, puisque les sols ne contiennent qu’une quantité limitée de matières premières. Et celles-ci sont extirpées, sucées, transformées à raison de plusieurs milliers de tonnes par jour. La planète est aujourd’hui parsemée de monstrueux trous dans lesquels des camions grands comme des maisons et des pompes gigantesques s’activent à en retirer les minerais et les gaz. Plusieurs milliers de ces trous sont déjà carrément abandonnés ici et là parce que les matières premières qu’ils contenaient y ont été extraites comme on le fait avec le jus des citrons – jusqu’à la toute dernière goutte.
Un autre aspect de notre belle civilisation concerne les gens qui meurent par millions à travers le monde. Je parle de ceux qui meurent parce qu’ils crèvent de faim et de soif, parce qu’ils n’ont pas accès à des soins médicaux de base, parce qu’ils sont tués à coups de fusil et de machettes, parce qu’ils sont torturés, violés, massacrés, laissés pour compte. Et tout ça dans l’indifférence générale.
Je crois que ça suffira pour l’instant. Pessimiste, le programme ?
C’est quand même ça.
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Ici, en Occident, nous n’aimons pas aborder ce sujet-là. C’est comme de parler de notre mort individuelle. Nous savons que nous mourrons tous un jour, mais c’est un sujet tabou. Nous préférons faire comme si notre mort personnelle – inéluctable – n’arrivera jamais. Nous l’éludons chaque fois qu’elle est le moindrement effleurée. C’est pareil pour la mort de la Terre, et donc de l’Humanité entière.
À part quelques écologistes qui représentent un pourcentage minime de la population, nous ne parlons jamais des vrais problèmes insolubles de la fin prochaine de la Terre. Nous utilisons toutes sortes de subterfuges pour escamoter la question : le déni étant le plus fréquent ; l’indifférence venant ensuite ; et puis finalement la mise en accusation – faciles – des sociétés multinationales et notre impuissance devant ces géants abstraits.
Mais cette réalité existe réellement, et elle a une cause clairement identifiée. Son nom est « Hommerie ». Il s’agit d’une maladie. Oui, oui, j’en ai déjà parlé, je sais. Notamment ici. Mais j’en reparle encore. Et ce n’est pas la dernière fois que je vais radoter de la sorte.
Comme je l’ai mentionné ailleurs, l’Hommerie est la maladie la plus grave que nous connaissions. À quelques exceptions près, tout le monde est plus ou moins contaminé par ce fléau. Tout le monde : vous, moi, les membres de votre famille, vos voisins, tous.
L’Hommerie, selon le dictionnaire, c’est la bassesse de l’esprit humain, sa cupidité instinctive. Ce sont ses comportements peu édifiants qui servent à satisfaire immédiatement son égocentrisme inné.
L’Hommerie, c’est la plaie de l’Homme ; c’est son VIH personnel qui se promène librement dans ses artères. Il croit en être immunisés parce ce qu’il ne produit pas de ravages apparent en lui. Mais c’est un leurre : quelque chose survient nécessairement un jour qui déclenche son activité destructrice – comme le ferait une bombe à retardement.
Le problème avec cette maladie, c’est que c’est vous qui la développez, mais ce sont les autres qui en souffrent. C’est comme de dire que c’est vous qui avez un cancer, mais que ce sont ceux qui gravitent autour de vous qui vont en mourir.
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Si l’on se fie à la courbe normale de la distribution de la population, au moins la moitié de la planète ne penserait jamais au bien-être de l’autre moitié. Et je rappelle que la moitié de la planète, aujourd’hui, en 2017, c’est plus de trois milliards et demi d’individus. Trois milliards et demi d’individus qui ne pensent qu’à eux, qui n’agissent que dans l’intérêt de la satisfaction de leurs plaisirs du moment… C’est pas rien.
L’autre moitié a certes un peu plus d’allure, mais ne nous faisons pas d’illusions : au sein de celle-ci, la plupart des individus qui la composent et qui sont de « braves gens » en général, deviennent d’autres personnes lorsqu’ils se retrouvent en face de la tentation de l’argent facile – et malhonnête – à gagner.
La moitié de l’Humanité qui est égocentrique a au moins le mérite de ne pas être hypocrite : elle consomme, elle vole, elle pille, elle tue sans état d’âme, et avec une bonne conscience qui pourrait – à la limite – rendre jalouse l’autre moitié de la planète qui, elle, lorsqu’elle fait quelque chose de malhonnête, a tendance à en éprouver des remords – ce qui est plutôt chiant pour ceux qui en sont aux prises.
Cette moitié naturellement égocentrique de l’Humanité représente à elle seule la fin du monde. C'est l’histoire de la pomme pourrie. Dix excellentes pommes reposent dans un panier. Il suffit qu’on en dépose une seule qui soit pourrie au milieu pour contaminer les dix autres. De la même façon, cent personnes s’amusent dans une salle. Il suffit qu’un malade entre avec un fusil pour mettre un terme à cette ambiance de fête. Le mal est des millions de fois plus puissants et plus contagieux que le bien. Pour venir à bout du mal – c’est quand même jouable –, cela prend des efforts inimaginables et de très longs délais.
Malheureusement, en ce qui concerne la destruction de la Terre, il est trop tard. La volonté d’y parvenir n’est pas suffisante – et tant s’en faut ; et le temps nous manque. C’est la fin. Tout le monde le sait, mais l’individu moyen réagit comme lorsqu’il s’agit de sa propre mort : il fait du déni, il élude, il s’en fout. De toute façon, il ne verra pas cette destruction, car elle aura lieu après son décès – mais pas très longtemps après.
Alors, au diable, les autres générations ! Ils se débrouilleront eux-mêmes avec cette apocalypse.
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Questions à tous ceux qui considèrent se trouver sur le côté droit de la courbe normale (voir plus haut) : celle des plus ou moins altruistes. Juste dans un but d’autodérision :
- Avez-vous déjà fait l’inventaire de vos biens matériels personnels ? Parmi ceux-ci, combien sont inutiles ou superflus ? Au fait, êtes-vous au courant que près de 90 % de vos biens ont été fabriqués en exploitant les plus démunis de la terre – incluant quelques enfants dans le lot ? Mais ce n’est pas grave du tout : les riches – les millionnaires nantis – dépensent pas mal plus que vous en biens futiles.
- Vos ordures s’en vont-elles toutes au dépotoir ou terminent-elles leurs jours dans un processus de recyclage ? Une question en passant : avez-vous déjà vérifié où aboutissent vos ordures et comment elles sont détruites ? Ça m’étonnerait. Mais ne vous en faites pas : les usines déversent pas mal plus de déchets que vous dans la nature.
- Jetez-vous de la nourriture aux ordures ? Dans les pays occidentaux, plus de 50 % de la nourriture s’en va dans les poubelles. Ce qui est parfaitement indécent – non ? – quand on sait que la moitié des gens vivant sur cette planète crève de faim. Mais ce n’est pas votre cas, bien sûr. Vous ne jetez sûrement pas un aliment à la poubelle lorsqu’il dépasse d’une seule journée la date de péremption. Et vous ne laissez jamais votre assiette à moitié pleine au restaurant, n’est-ce pas ?
- Vous arrive-t-il quelquefois de frayer avec l’économie souterraine ? De payer un article au noir ? De rémunérer sous la table l’ouvrier qui vient faire des bricoles dans votre maison ? Si oui, vous avez parfaitement raison de le faire : notre argent s’en va dans les mains des corrompus de toute façon.
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Juste avant de conclure, je rappelle que s’il y a des mafias qui asservissent des populations entières de gens sans défense, c’est parce qu’il y a une très importante demande pour les services qu’ils offrent.
Quelques évidences :
- sans demande de drogues, il n’y aurait pas de mafias de la drogue
- sans demande de prostitution, il n’y aurait pas de réseaux de prostitution
- sans demande de prostitution juvénile, il n’y aurait pas d’exploitants d’enfants
- sans demande de consommation excentrique et loufoque à base d’animaux (telles des cornes de rhinocéros pour renforcer la virilité, et d’autres idioties du genre), il n’y aurait pas de braconniers
Bref sans la demande qui provient de gens comme vous et moi, il n’y aurait tout simplement pas d’offre. Conséquemment, qui est le plus coupable et qui mériterait la prison ? Le mafioso qui fournit la marchandise ? Ou le consommateur qui demande cette marchandise ?
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L’ennemi public universel, c’est chaque être humain pris individuellement, et il n’existe que très peu d’exceptions. Pour la moitié de la planète qui est égocentrique, c’est un fait entendu. Pour les autres, c’est désespérant.
Désespérant parce que, du moment que les gens habituellement braves et honnêtes sont placés dans une situation de tentation – surtout financière, ils capotent. Ils ne sont pas capables de résister. C’est plus fort qu’eux. Allez lire ce qui s’est passé à Nauru, c’est très édifiant. Ce qui s’est produit là-bas, c’est l’exemple type de la réaction de la personne habituellement brave et honnête lorsqu’elle se retrouve dans une situation le moindrement d’abondance.
Les gens de Nauru – on les appelle les Nauruans – étaient comme vous et moi à la base : de braves gens qui ne pensaient jamais à faire le mal, foncièrement bons, foncièrement gentils et généreux. Et puis un jour, il s’est mis à pleuvoir de l’argent sur cette île microscopique…
Aujourd’hui, les Nauruans regrettent amèrement ce qu’ils ont fait. Mais il est trop tard maintenant. Ils paient les conséquences de leurs actes. En fait, ce sont des morts-vivants.
Par rapport à nous, les Nauruans sont comme Saint-Jean-Baptiste qui prophétisait l’avenir.
Mais tout porte à croire que, comme Saint-Jean-Baptiste, ils ont prophétisé dans le désert…
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