Les maudits vents

Les maudits vents

Le spectacle affligeant des bas-côtés de routes

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Une chose qui m’a sauté aux yeux, jadis, lorsque j’ai commencé à sillonner les routes en vélo, c’est la quantité astronomique de détritus que j’apercevais sur le bord des routes. 

 

Des détritus en quantité astronomique ?

 

Exactement.

 

Et cette situation ne s’est pas du tout arrangée depuis ce temps. Au contraire.

 

Je ne parle même pas ici des déchets que l’on retrouve en ville, sur les trottoirs, dans les parcs, le long des sentiers de plein air, sur le mont Everest, dans l’espace… Non, je me contente seulement que des bords de route, et c’est déjà bien assez pour s'indigner.

 

Chez nous, au Québec, à vue de nez et en moyenne, je dirais que l’on retrouve – minimalement – un morceau de détritus tous les cinq mètres environ, sur le bord des routes et dans les fossés. Trouvez-vous ça beaucoup ? Pour vous donner une petite idée de l'ordre de grandeur, prenez au hasard un minuscule tronçon de route d’un seul kilomètre de longueur. En comptant les deux côtés de la route, et selon mon estimation, l'on ramasserait ainsi quelques 400 morceaux de détritus. Ça te remplirait un sac vert pis ce serait pas long. Et je parle juste d'un insignifiant tronçon d’un kilomètre. Combien y a-t-il de kilomètres de route au Québec ? Au Canada ? Dans le monde entier ?

 

Il est difficile d'imaginer cette réalité lorsqu’on roule en auto. Ça va trop vite et les regards sont rivés vers l’avant. Tout cela passe donc à peu près inaperçu.

 

En vélo, pour peu que l’on jette un coup d’œil sur le côté de temps en temps, ça commence à sauter aux yeux. Mais là non plus, lorsque l’on se balade en vélo, l'on ne s’attarde pas vraiment à cette activité d'observation. La plupart du temps, les cyclistes regardent en avant afin d’éviter les accidents. Et alternativement, ils admirent le paysage, au loin. C’est d’ailleurs pour ça qu’on fait du vélo, non ? Pour contempler la nature et respirer le bon air pur du Bon Dieu.

 

Mais à pied, à une vitesse de 6 km/hre, on a amplement le loisir de regarder par terre. Et il est impossible de ne pas voir ce spectacle dégradant…

 

Qu’y a-t-il tant que ça sur le bas-côté des routes et dans les fossés ?

 

Vous seriez surpris…

 

Je vois personnellement un paquet d'objets hétéroclites : des bouteilles d’eau en plastique vides, des gobelets de carton (genre café Tim Horton, Coke…), des restants de repas fast food (genre McDo), des tissus (genre couches de bébé usagées), de multiples tessons, des cannettes, des kleenex, des mégots de cigarettes à la tonne, des emballages de tout acabit, des morceaux de fer, de plastique, d’acier rouillé, à l’utilité d’origine incertaine… La liste est sans fin.

 

À ceux qui ne me croient pas, je vous invite désormais à vous pencher sur le bas-côté des routes et dans les fossés, et ce, peu importe sur quelle route vous vous trouvez – et j’insiste : peu importe sur quelle route vous vous trouvez. Faites l’expérience. Sortez le moindrement des endroits où il y a des habitations, marchez le long d’une route – n’importe laquelle – et vous verrez tout de suite que je n’exagère pas.

 

Ça fait pleurer.

 

Ça ne me ferait pas pleurer s’il ne s’agissait que d’exceptions. Mais ce n’est pas du tout le cas : c’est généralisé partout. Ça fait longtemps que je parcours les routes du Québec en vélo et à pied, et je confirme que la situation est identique partout. Il y a des détritus même en pleine campagne, dans des rangs quasi déserts, dans les fossés de champs labourés. Allez-y voir.

 

Remarquez que ce phénomène-là n’est pas unique à chez nous. Si cela peut donner bonne conscience à d'aucuns, j’ai remarqué qu’il était présent partout où je me suis déjà rendu, en dehors de nos frontières.

 

En Nouvelle-Calédonie, par exemple, pays (civilisé, comme nous) que j’ai eu le temps d’observer plus souvent qu’à mon tour…

 

Il y a une route, là-bas, pour ne parler que de celle-là : elle mène vers le sud de l'île. Je spécifie tout d’abord qu’à peu près personne ne demeure dans cette région. Ceux qui empruntent cette route ne le font presque exclusivement que pour se rendre à l’usine de nickel de Goro afin d’y travailler, ou pour faire du tourisme et du plein air. Eh bien, apprenez que des détritus s’étalent là aussi, et ce, tout au long de cette route absolument déserte – et ce sont les mêmes qu'ici, à peu de choses près.

 

* * * * *

 

Mais comment cela est-il possible ? La question n’est pas difficile à répondre.

 

À part quelques morceaux qui sont emportés par le vent, cela veut logiquement dire qu’il y a une foule de gens qui filent sur les routes, dans leurs autos, et lorsque vient le temps de se débarrasser d’un déchet, plutôt que d’attendre d’arriver chez eux et de le jeter dans leur poubelle, eh bien, ils ouvrent la fenêtre, et ils le garrochent à l’extérieur, tout en continuant à rouler, zap, et sans se casser la tête.

 

— Papa, j’ai fini mes croquettes. Qu’est-ce que je fais avec l’emballage ?

 

— Crisse-moé ça par la fenêtre et arrête de me poser des questions idiotes !

 

Je soupçonne les motocyclistes et les cyclistes (eh oui) de faire la même chose.

 

Pourquoi ces gens font-ils ça ? Le gobelet de café prend-il trop de place dans leurs autos ? Tiennent-ils à garder leurs poubelles personnelles propres, chez eux ? Trouvent-ils que les sacs verts coûtent trop chers ? Craignent-ils d’égratigner le cendrier de leur automobile ? Boycottent-ils les vrais dépotoirs ? Voilà quelque chose qui demeurera toujours un mystère dans ma tête.

 

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En Asie, là où la situation des ordures est mille fois plus préoccupante que chez nous, on pourrait comprendre – à la limite – ce comportement : quand les gens sont en état de survie quotidienne, le souci des déchets doit sans doute se retrouver la 192e priorité sur 200. Je sais pas trop.

 

Mais ici ?

 

Ici, il n’y a aucune excuse qui tienne, car nous avons un système très efficace de récupération d'ordures à la maison, ainsi qu'une collecte de récupération de matière recyclable. Les camions passent juste devant chez nous. Il ne nous suffit que de faire rouler les bacs jusqu'à la rue une fois par semaine ! Misère...

 

Alors quoi ? Pourquoi les gens garrochent-ils quand même leurs saletés d'ordures par les fenêtres de leurs autos ?

 

Force est de constater qu'il s'agit encore une fois du sempiternel problème de l’Hommerie. Pour faire simple, on a affaire ici à différentes facettes pas trop belles de l'être humain :

 

- sa grosse fainéantise d'occidental repu

 

- son absence de conscience sociale et environnementale

 

- sa bonne conscience personnelle (« Ben quoi ? C'est pas en garrochant un kleenex sale par la fenêtre de mon char que je vais mettre la planète en péril ! »)

 

- son culte du moi moi moi (rien à foutre des autres)

 

* * * * *

 

L’endroit le plus propre de la planète est Singapour. À Singapour, il y a des règlements très sévères concernant la propreté des lieux publics : 500 $ d’amende si vous jetez un mégot de cigarette par terre, 1000 $ si vous jetez un papier… 

 

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Exagéré ?

 

Et pourtant, c'est la seule méthode qui a fait ses preuves pour obliger les gens à respecter l'environnement – et leurs concitoyens.

 

Les enfants qui sont laissés à eux-mêmes n’ont aucune conscience du bien et du mal, et il faut souvent les menacer d'une punition afin d’éviter les dérapages. C'est la même chose pour les adultes. Pareil. Étant donné que certains êtres humains – et il y en a à la tonne – sont totalement inaptes à se prendre en charge côté savoir-vivre, eh bien ça prend des règlements de ce type-là pour les obliger à un minimum de civisme. C’est malheureux, mais c’est juste de cette façon-là (la menace d'une amende) qu’ils en viennent à prendre un peu de maturité. 

 

Ici, en Occident, on n’en viendra jamais à des règlements comme à Singapour – c’est bien certain. C’est pour ça que l’on continuera toujours à recruter des bénévoles – dont des enfants, souvent – pour faire le nettoyage des berges de cours d’eau de temps en temps, ou des parcs, ou d’autres lieux, afin de ramasser la cochonnerie de tous nos "adultes" bienheureux irresponsables. Et que l’on continuera également à contempler le spectacle horrible des détritus sur le bord des routes et dans bien d'autres endroits insoupçonnés. Et que la terre – eau, air, nappes phréatiques – poursuivra son processus de contamination.

 

Le problème est insoluble, je sais. Les irresponsables en question ne lisent jamais des articles comme celui-ci. Et s’ils le font, ils ne se sentent aucunement concernés.

 

Et si, par un incroyable hasard, ils se sentent visés, ils envoient des courriels haineux – et anonymes, bien entendu – à leurs auteurs afin de défouler leur ego offusqué.

 

En terminant, voici la question du jour, si vous permettez : y a-t-il pire plaie pour l'Homme que l'Hommerie ? Si oui, nommez-la moi. Mais vous êtes bien mieux d'avoir des arguments en béton pour démontrer votre réponse.

 

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Toutes mes autres montées de lait sur le sujet de l'hommerie sont ici

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Hommerie



03/04/2017
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