2012-01-13 --- Des enfants et des rires
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De : Yvan – Atasura
Date : vendredi, 13 janvier 2012
À : parents et amis
Bonjour à tous,
J’espère que ça va bien au Québec et en France ? Ici, c’est le top. Il fait toutefois un peu froid, j’avoue. Surtout quand le s’rin tombe, au crépuscule. Ça prend alors une petite laine. On se croirait vers la mi-août, genre. Mais rien de comparable, évidemment, à vos - 20o qu’il doit faire ces temps-ci (du moins, au Québec)… Hi hi hi…
Bon, OK, j’arrête de me moquer. Ce matin, après l’habituel copieux petit-déj, Marati nous a emmenés dans une école de village soutenu par l’organisme qui nous accueille. En frais d’école de village, elle était située dans le fin fond de la campagne. Avec ses quatre uniques pièces, ses murs pas trop solides, ses bancs sans pupitres, et ses vaches dans la cour, l’école de rang d’Émilie Bordeleau faisait figure de palace.
L’école était en fait à l’image de tout ce que l’on retrouve dans la région : celle de l’extrême pauvreté (je sais, je sais, Marguerite, tu n’aimes pas que je parle de pauvreté dans mes chroniques… j’essaierai de trouver un synonyme). Elle était toute neuve – c’est-à-dire rapiécée – parce qu’une énorme tempête l’avait détruite l’an dernier. En passant, pourquoi les pires fléaux s’abattent-ils en majorité sur le pauvre monde ?
Les enfants avaient été préalablement avertis que des extraterrestres blancs s’en venaient. Ça paraissait à leur excitation lorsqu’ils nous ont vus déboucher, au loin, sur notre van rickshaw de transport. La visite n’a pas été longue : on n’a fait que passer. On est entré dans les classes, on s’est fait présenter, et on a pris des photos de groupe avant de s’en aller.
Personnellement, je n’aime pas ces visites un peu protocolaires où je me retrouve en avant, comme un VIP ; mais ça m’a au moins fait voir la réalité de ces enfants démunis qui peuvent minimalement recevoir une éducation de base grâce à l’aide d’organisations comme celle de notre hôte. Mais ensuite, je me suis dis : à quoi servira cette éducation si ces enfants doivent retourner dans leurs cambuses et leurs lopins de terre une fois que seront acquises quelques années de scolarité ? M’enfin, vaut mieux que je ne pense pas trop à ça…
Nous avons ensuite repris le bateau pour traverser sur la terre ferme, où un nouveau chauffeur de Mass Education nous attendait. Il s’appelait Uttam, celui-là, et il conduisait lui aussi d’une main de maître. Il était par contre un peu moins cow-boy que son confrère (Santano), que nous avions eu pour le voyage de l’aller.
Mais peu importe Santano ou Uttam, la route de retour s’est avérée tout aussi kafkaïenne que voilà deux jours. C’est bien certain, étant donné que c’est apparemment le quotidien de ce pays (et de celui de toute l’Asie en général, que je me suis laissé dire). Vous vous rappelez la description de mon voyage vers le sud ? Les autobus, camions, autos, motos, rickshaw à pédales ou à moteur, piétons (adultes et enfants en bas âge), vaches, chèvres, chiens, poules, cochons, couvées ? Tout ce beau monde prenant sa place sur un chemin plein de trous et de la largeur d’une piste cyclable ? Dans un désordre indescriptible ? Se fonçant carrément dessus pour tourner à la dernière seconde (du bon côté) ? Se frôlant sans se toucher ? Dans un tintamarre de klaxons infinis ? Eh bien, nous avons revécu la même chose, mais par un autre chemin. Et en passant par des villages semblables ; c’est-à-dire surpeuplés et croulant sous la misère.
Et tout à coup, alors que nous étions justement dans l’un de ces villages, et sans crier gare, Uttam a tourné dans une cour. C’est là que nous nous sommes rendus compte que nous étions dans le village d’Atasura, et que nous étions arrivés à destination. Nous sommes débarqués quelques mètres plus loin et nous nous sommes retrouvés dans le milieu d’une cour d’école. C’est ici que nous allions passer les prochaines 24 heures. Et c’est aussi ici que Mou nous a quittés – jusqu’à demain.
Nous avons commencé par prendre possession de nos chambres, plus propres et plus modernes que celles de la veille (mais attention ! rien à voir avec nos habituelles chambre d’hôtel, on s’entend ?).
Et ensuite, il y a eu visite des classes dans lesquelles les étudiants se levaient d’un bond dès notre entrée. Comme pour celles de ce matin, je ne suis pas senti très à l’aise avec cette formule. Marguerite et Daniel, par contre, forts de leur expérience précédente, voilà cinq ans, et étant d’un caractère plus sociable, n’ont pas hésité à se présenter aux élèves en leur expliquant d’où ils venaient et en donnant quelques informations sur le Canada.
Une fois les classes terminées, les enfants ont été laissés à eux-mêmes dans la cour de leurs logements – une sorte de récréation avant le souper et le dodo.
Ah oui ! J’ai oublié de vous dire que cette école s’adresse uniquement aux enfants les plus pauvres d’entre les pauvres du Bengale. Plusieurs sont orphelins ou ayant des parents sans aucune ressource. Quelques-uns ont même été ramassés directement dans les rues de Calcutta, en quête de survivance. Vous avez vu le film Slumdogs millionnaire ? L’histoire des enfants de cette école pourraient ressembler à celle des enfants du film. À la différence qu’en ce qui concerne ceux d’ici, ils ont vécu un miracle : ils ont été découverts par Mass Education et amenés dans ces oasis de bonheur (il n’y en pas qu’une seule, en passant). Ils sont logés, nourris et éduqués tout à fait gratuitement.
Nous nous sommes promenés parmi eux durant cette récréation. Marguerite a tout de suite obtenu un succès fou parmi les filles. Elle a appris à jouer aux pichenottes indiennes, mais il semble qu’elle n’était pas très bonne. Daniel a aussi appris le même jeu, et a échangé quelques moineaux de badminton avec un petit sportif. Nos appareils-photos, à Daniel et à moi, se sont faits aller en s’il-vous-plaît, devant les jeunes garçons qui voulaient se faire tirer le portrait dans toutes les positions : seuls, deux par deux, trois par trois, et ainsi de suite.
Et puis, ensuite, rassemblement dans une salle pour une démonstration de danse. J’ai encore eu peur au spectacle protocolaire devant les bwanas en visite. Mais ça n’a pas du tout été le cas. Le tout s’est fait à l’improviste, les jeunes s’amusant comme des fous et applaudissant les performances de leurs ami(e)s. Le tout s’est terminé par une discothèque générale dont nous avons dû participer de bon gré, happés avons-nous été par les petites mains qui nous tiraient dans le milieu.
Après un autre gargantuesque souper (ou dîner selon le pays où vous êtes), je me retrouve dans ma chambre à vous écrire avant d’aller au pieu – ce que je vais faire à l’instant, épuisé comme je le suis, n’étant pas encore tout à fait remis du décalage horaire, du stress et des émotions…
À demain (j’espère) pour une autre aventure du capitaine Bonhomme. Les sceptiques seront confondus – dus – dus – dus !
Ici, Yvan, à Atasura, à quelques kilomètres de Calcutta, en direct d’un orphelinat à faire couler des larmes aux plus endurcis des insensibles.
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