Les maudits vents

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Mauricie > Parc récréoforestier St-Mathieu > Sentier la chute du Diable

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Dimanche, le 21 mai 2017

 

Le sentier de la chute du Diable… hou-hou !

 

Saviez-vous ça que, pour faire cette rando-là, faut qu’on lui vende notre âme – au Diable ? C’est le deal… Ils disent que l’entrée du parc est gratuite, mais c’est pas vrai pantoute : donner son âme au Diable en échange de faire une piste de rando, moi, je trouve que c’est très cher payé. Pis en plus, le fait de donner ton âme, comme ça, à Belzébuth, ben y’a plein de conséquences qu’on s’attend pas. C’est comme de signer un contrat avec une compagnie d’assurance : y’a des clauses en petit caractère qui nous échappent, mais qui finissent toujours par nous rattraper un moment donné. Pis quand ça nous tombe dessus, ben yé trop tard.

 

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Mais c’est où, ça, tout d’abord, la chute du Diable ? C’est dans le Parc récréoforestier de St-Mathieu. Pis le Parc récréoforestier de St-Mathieu, lui, il est collé sur le Parc de la Mauricie. En fait, quand vous faites votre entrée dans le Parc de la Mauricie par le secteur de St-Mathieu, vous passez drette dedans. 

 

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Un détail : c’est là, dans le Parc de St-Mathieu, qu’il y a le fameux amphithéâtre en pleine nature, avec les sièges sur les rochers et tout – comme ceux des Romains –, vous savez ? En passant, c’est de toute beauté, cet amphithéâtre-là. Très impressionnant. Ceux qui l’ont imaginé, et qui l’ont conçu, et qui l’ont construit, je leur tire mon chapeau. Il est mille fois moins extravagant que notre amphithéâtre Cogeco – dont on peut apercevoir les mots « Trois-Rivières », par beau temps, du sommet du mont Washington, dans le New Hampshire –, mais mille fois plus sympathique.

 

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La plus longue rando qu’on peut faire dans le Parc récréoforestier de St-Mathieu, c’est le Sentier de la chute du Diable (le sentier en bleu sur la carte). La plus difficile, également, peut-être. Mais n’écoutant que mon courage, et n’écoutant aussi que celui – le courage – de mon amie Sylvie, on est parti dans cette galère-là tous les deux, dimanche matin, à 11h15, heure de notre rendez-vous devant la tite cabane blanche à l’entrée du Parc.

 

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Juste avant d’aller plus loin, je veux spécifier que la moitié du Sentier de la chute du Diable est un tronçon du fameux Sentier national de la Mauricie qui traverse la Mauricie de part en part. Le Sentier national de la Mauricie étant lui-même un tronçon du fameux Sentier national du Québec qui traverse le Québec de part en part. Le Sentier national du Québec étant lui-même un tronçon du fameux Sentier national du Canada qui traverse le Canada de part en part. L’arbre est dans ses feuilles, maluron maluré…

 

Bref, on s’engageait dans un sentier assez important. C’était un peu solennel. Surtout qu’on avait vendu notre âme au Diable pour pouvoir le faire.

 

Longueur : 10,5 km

Niveau de difficulté : difficile

 

Il était 11h15, donc, sac à dos sur le dos, kodak en bandoulière, et haut les cœurs, lorsque nous avons été go pour cette aventure.

 

Le sentier a monté non-stop presque jusqu’à notre but ultime : la chute. Mais c’était rien de bien dramatique, parce que ce n’était pas la mer à boire pour les randonneurs aguerris que nous étions. Mais fallait quand même rester cool, car il y a un bout heavy sur ce sentier, et nous devions garder de l’énergie pour cette étape-là. Nous avons donc maintenu une cadence tranquille, dans le style petit train va loin, pout-pout.

 

Ça ne paraissait pas pantoute, mais jusqu’à la fameuse chute – du Diable – le sentier longeait la frontière du Parc national qui se trouvait sur notre droite. Mais nous ne l’avons jamais vue – cette frontière. Et pourquoi était-elle invisible ? C’était la faute du Diable, bien sûr, qui nous accompagnait depuis le début de cette expédition. C’était l’une des premières conséquences du pacte dont je vous parlais au début : notre vision est altérée. Et c’est bien dommage, car la chose que j’aime, moi, lorsque je suis en rando, c’est d’admirer les farfadets et les elfes. Mais là, à cause du pacte que j’avais signé, ce n’était plus possible…

 

Nous avons marché en plein bois pratiquement tout le temps, sauf une fois ou nous avons rencontré un magnifique marais – le « marais des crocodiles » que le surnomme Sylvie. Il n’y a donc pas eu beaucoup de photos dans ce coin-là : des photos de forêt, ça revient pas mal toujours du pareil au même…

 

Nous avons quelquefois croisé des intersections qui nous proposaient des pistes plus courtes afin de revenir plus rapidement à la maison. En passant, voilà une autre conséquence de notre pacte avec le Diable : la tentation. Nous devions démontrer une volonté à toute épreuve, je vous jure, pour ne pas emprunter ces sentiers et retourner plus tôt dans nos bonnes vielles pantoufles. Mais non, il n’en était pas question ! Haut les cœurs, toujours, et go vers l’objectif ultime : la chute.

 

Une autre tentation : la dernière, celle-là. Une fois au bout du sentier, après environ une heure et quart de marche dans le bois, en montant plus souvent qu’à notre tour, on se retrouve à une intersection – le point M, sur la carte. C’est là que la chose décisive se passe…

 

À cet endroit, on a en effet le choix de continuer sur notre lancée sans voir la chute. Mais si ce spectacle nous tient à cœur, il est obligatoire de prendre un sentier, à droite, qu’il nous faut nécessairement reprendre pour revenir – c’est un aller-retour de 500 mètres. Et ce sentier a ceci de particulier qu’il descend abruptement dans les fosses abyssales de l’enfer. Ce qui implique qu’après avoir admiré la chute, cette même côte est à remonter à partir du fond de l’abyme jusqu’ici afin d’entreprendre le chemin du retour.

 

Mais nous n’avions pas vendu notre âme au Diable pour rien. À 500 mètres de notre objectif, pas question de manquer cette satanée chute qui a donné son nom au sentier. Alors go : le grand plongeon dans le vide.

 

Et nous y sommes parvenus, à cette fameuse chute. Mais un peu déçus, avons-nous été…

 

En fait, faut jamais avoir vu de chute de sa vie pour appeler ça une chute. C’est à peine une cascade. Personnellement, j’avais la pénible impression de m’être fait arnaquer.

 

Il était 13h00 quand nous sommes arrivés là. Nous nous sommes assis sur les roches, à côté de la « chute » pour manger notre lunch. Pendant ce temps-là, j’en ai profité pour convoquer le Diable et résilier mon contrat avec lui. « C’est vraiment n’importe quoi ! » que je lui ai dit, outré, en le menaçant de me plaindre à la Protection du consommateur. Il n’a pas insisté, heureusement. C’est comme ça que j’ai repris possession de mon âme, et que nous avons rempaqueté nos affaires pour reprendre le chemin du retour.

 

La montée nous faisait un peu peur, j’avoue, mais nous avons décidé d’y aller petits pas par petits pas, sans nous énerver le poil des pattes. Ça a été une très bonne tactique : en quinze minutes, et sans faire aucune crise cardiaque, nous sommes revenus au point M.

 

Mais nous n’en avions pas terminé pour autant avec l’aspect escalade de notre aventure. Il a encore fallu se rendre plus haut en altitude. De façon moins abrupte, d’accord, mais quand même. Une fois arrivés au lieu le plus élevé de la rando – le point L, sur la carte –, la facilité s’est installée : une descente dorénavant pout-pout jusqu’à la rivière Shawinigan, et jusqu’au lac Mongrain, et jusqu’au stationnement.

 

Voilà ! 

 

Quelques faits à noter :

 

Nous avons quitté l’auto vers 11h15. Nous y sommes revenus vers 15h30. Une trotte de 4 1/4 heures, donc, incluant une demi-heure d’arrêt pour casser la croûte.

 

La saison des moustiques est commencée. Heureusement, il n’y en avait pas partout : seulement que dans certaines zones plus humides. Et c’est une chance. Quelle plaie, ces bestioles ! J’en ai avalé quelques-unes, et beaucoup ont tenté de rejoindre mon cerveau via mes oreilles. Peut-être que quelques-unes y sont même parvenues…

 

Nous avons rencontré une randonneuse qui se promenait avec son chien – un petit roquet de rien du tout, mais qui se prenait pour Hitler et Staline réunis. Un vrai malade. Une chance qu’il était en laisse, sinon nous ne serions pas revenus vivants de notre expédition. En plus de la laisse, il a même fallu que sa maîtresse le retienne à deux mains pour nous permettre de passer sans être dépecés sur place.

 

Plus loin, nous montions une côte et un monstre est tout à coup apparu en haut, venant en sens inverse : un molosse. Un bétail de chien, je ne vous mens pas : gros comme un ours. Pas de laisse, celui-là. Son maître a surgi quelques secondes plus tard, ce qui nous a à moitié rassurés. Il s’est toutefois avéré que le molosse en question, l’ours, le yéti, était un gentil toutou, pas énervé pour deux sous, et qui n’aurait jamais fait de mal à un maringouin. C’est ben pour dire, les préjugés…

 

Parlant d’ours… Un moment donné, nous marchions, et mon regard était perdu au loin, sans doute à la recherche de farfadets et d’elfes, lorsque soudain, je me suis écrié : « Stop ! Arrête ! Sauve qui peut ! » Il y avait en effet une immense tête brune et noire qui nous observait à une trentaine de mètres devant nous, à travers les branches de la forêt. Un ours ! Comme il ne semblait pas bouger, nous sommes restés figés là, perplexes par rapport à ce que nous devions faire. Puis, j’ai pris délicatement mon kodak et j’ai porté mon objectif vers lui en faisant un zoom… Ce n’était qu’une vulgaire souche… Rigolez tant que vous voulez, j’aurais bien aimé vous voir à notre place ! Lorsque vous prendrez connaissance de la photo – ci-dessous –, vous rirez encore davantage tant c’est pas évident. Mais je vous jure que c’était un ours réel – avant qu’il se transforme en souche.

 

C’était un tour du Diable qui s’était vengé pour la résilience de notre contrat par rapport à mon âme…

 

 

 

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16/05/2023
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