Le centre de l'univers
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J’ai un jour parcouru 1000 km en auto en une journée. Et j’ai trouvé ça beaucoup.
Les truckers doivent rire de moi, car je crois que, pour leur part, ils en font autant, mais pendant plusieurs jours d’affilée. Comme quoi : tout est relatif. Mais quand même, pour quelqu’un d’ordinaire, 1000 km en une journée, l'on conviendra que c’est pas mal de route.
Je relate ce fait divers parce que pendant cette trotte, mon cerveau fonctionnait aussi vite que le moteur de ma voiture, c’est-à-dire à cent à l’heure. En un moment donné, une idée m’est passée par la tête : j’ai essayé de calculer mentalement le nombre de jours que ça me prendrait pour me rendre sur la Lune en maintenant cette moyenne de 1000 km par jour.
Vous riez sans doute de moi, mais connaissez-vous la réponse ?
En admettant que la Lune soit à son plus près de la Terre – c’est-à-dire à 356 700 km –, eh bien, ne faites pas le saut, ça me prendrait… un an…
Bong ! Un an, en roulant 1000 km par jour, sans m’accorder une seule journée de repos.
Et pour me rendre à la planète Mars, alors ? Je rappelle juste que Mars est situé à 56 millions de km de chez nous. Conséquemment, la réponse est… 56 000 jours, soit 153 ans ! Heu… Je crois qu'on va laisser ce voyage-là aux fusées et aux navettes spatiales...
Pourquoi je parle de ces distances-là ? Parce que les notions de distances et de vitesses ont un rapport étroit avec le propos de cette chronique, c'est-à-dire l’endroit où se trouve le centre de l’univers.
Je vous avertis tu-suite : je m’apprête à vous décrire là quelque chose de tellement weird que vous risquez de capoter.
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Mais tout d'abord, et si vous ignoriez ce fait astronomique, je vous l’apprends : les savants affirment que l’univers est infini. C'est comme ça : in-fi-ni. Pour ma part, même si ce concept m’est complètement incompréhensible, je les crois sur parole, car ce sont eux les spécialistes.
Un univers infini… Ça, ça signifie que notre Terre flotte dans le vide, et que ce vide n’a aucune frontière. Aussi loin iriez-vous dans le cosmos avec votre spoutnik personnel, jamais vous n’arriveriez au bout. Jamais. Et quand je dis jamais, c’est jamais. Juste cette notion-là, si on y adhère, mériterait à elle seule de nous faire enfermer dans le premier institut psychiatrique du coin.
Mais ce n’est pas tout. Et tenez-vous bien.
Non seulement l’univers est infini – il n’a pas de frontières –, mais en plus, il grossit en volume. C’est comme je vous le dis ! Il se dilate. Il gonfle. Il prend de l’expansion. Vous saisissez ? Si oui, tant mieux pour vous, parce qu’en ce qui me concerne, ça me bluffe complètement. Comment quelque chose qui n’a pas de limites peut-il s’agrandir ?
On le sait, car on a découvert que tous les objets célestes – les étoiles et les galaxies, entre autres – s’éloignent de nous de tous les côtés à la fois. Imaginez-vous à la place d’un raisin dans un gâteau aux raisins qui est en train de cuire dans un four. Pendant que le gâteau gonfle, vous verriez tous les autres raisins s’éloigner de vous selon différentes vitesses dépendamment de leurs distances par rapport à vous.
Pour ce qui est de l’univers, c’est pareil. Saut que l’univers n’est pas un gâteau aux raisins qui cuit dans un four.
Encore une fois, j’accepte quand même tout ça. Si c’est Hubert Reeves et ses collègues qui l’affirment, je leur fais confiance.
Hubert Reeves
Cela dit, ok : l’univers est infini. Et il s’agrandit, d’accord…
Une fois cela tenu pour acquis, dans ce cas, dites-moi : si l’univers est infini, pouvez-vous me dire où se trouve son centre ? La question se pose, non ? En tout cas, moi, elle me chicotait royalement.
Est-ce qu’il y a une réponse à cette question saugrenue, premièrement ? Eh bien, croyez-le ou non, il y en a effectivement une. Et à une question flyée, réponse flyée, bien sûr. Alors, attendez-vous à une surprise.
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Lorsque l’on aborde le sujet de l’univers, il faut évidemment parler de distances.
On n’en sort pas, c’est obligatoire. C’est pour ça que j’ai commencé cet article en faisant référence à de petites distances : celle de la Terre à la Lune, et celle de la Terre à la planète Mars.
Toutefois, les distances à l’échelle de l’univers sont tellement grandes, tellement démesurées, qu’on n’en parle plus en termes de kilomètres. Le faire deviendrait vite lassant et, de toute façon, cela ne voudrait plus rien dire au bout de deux minutes de discussion. Voyez plutôt :
- La distance de la Terre au Soleil est de 149 000 000 km.
- La distance de la Terre à Pluton (ultime planète connue du système solaire) est de 7 566 000 000 km.
- La distance de la Terre à Alpha Proxima du Centaure (l’étoile – à part le Soleil – la plus près de nous) est de 39 734 100 000 000 km.
On ne sait même pas comment exprimer ce dernier chiffre verbalement… Essayez, juste pour voir… 39 billions de milliards de bidules-machins…
C’est pour ça qu’en astronomie, il n’est à peu près jamais question de kilomètres, mais bien « temps-lumière ». Le terme le plus souvent rencontré étant « l'année-lumière ».
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L’année-lumière est la distance parcourue par un photon de lumière en une année.
Pourquoi les scientifiques ont-ils pris la lumière comme unité de distance et de vitesse ? Parce que, apparemment, la lumière est la « chose » la plus rapide de l’univers. Rien ne va plus vite que la lumière. Rien. À part Flash Gordon, peut-être. Et encore...
Et cette vitesse, eh ben, c’est quelque chose de phénoménal. Elle a été évaluée (en faisant un chiffre rond) à 300 000 km à la seconde. Ouf !
Si on fait le calcul, une année-lumière correspond de ce fait (attachez votre tuque avec de la broche) à 9 460 730 milliards de kilomètres. Gloup ! Vous comprenez maintenant pourquoi on dit une année-lumière plutôt que ce chiffre farfelu de 9 460 730 milliards de kilomètres.
On mesure donc les distances entre les objets intergalactiques en utilisant la vitesse que parcourt la lumière entre ces deux objets. De cette façon, par exemple :
- La Lune est à 1,3 seconde-lumière de la Terre.
- Le Soleil est à 8,3 minutes-lumière de la Terre.
- Pluton est à 5,5 heures-lumière de la Terre.
- L’étoile Alpha Proxima du Centaure est à 4,3 années-lumière de nous.
Et ainsi de suite…
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Ça va jusque là ? Tant mieux si vous avez suivi, car nous voici maintenant rendus où les choses deviennent vraiment intéressantes…
Le photon lumineux – qui est une sorte de « grain de lumière » – voyage donc à cette vitesse de 300 000 km à la seconde dans l’espace vide.
Un photon quittant le Soleil et voyageant dans l'espace à la vitesse de la lumière
Cela veut dire que la lumière de la Lune que vous regardez dans le ciel, la nuit, prend un peu plus d’une seconde pour parvenir jusqu’à vos yeux.
Imaginons que la Lune s’envolerait brusquement sous l’effet d'un coup de baguette magique : elle serait là, et tout à coup, hop ! elle disparaitrait.
Eh bien, elle se volatiliserait en fait de votre regard une seconde après que l’événement se serait réellement produit, son dernier photon lumineux l’ayant quittée et ayant traversé l’espace à la vitesse de 300 000 km/sec jusqu’à vous.
Le même phénomène se produit évidemment avec tout le reste des objets célestes :
- Lorsque vous regardez le Soleil, vous le voyez tel qu’il était voilà 8 minutes.
- Lorsque vous contemplez la planète Pluton avec un télescope, vous l’observez telle qu’elle était voilà 5 heures et demie.
- Lorsque vous fixez l’étoile Alpha Proxima du Centaure, vous la voyez telle qu’elle était voilà 4 ans.
Une planète potentiellement habitable se nomme Kepler-438 b. Elle se trouve à 470 années-lumière de nous. En admettant qu’il y ait une civilisation sur cette planète, et en admettant également que nous possédions un télescope assez puissant pour observer cette civilisation, nous verrions celle-ci telle qu’elle existait voilà 470 ans.
Conséquemment : regarder autour de vous, c’est regarder dans le passé.
Pété ?
Je confirme.
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Jusqu’ici, j’ai fait référence à de très grandes distances. Mais la même logique s’applique aux petites. Si nous ne nous en rendons pas compte, c’est à cause de la vitesse très élevée de la vitesse de la lumière.
Vous regardez un avion dans le ciel. Il vole à 10 000 m d’altitude. Comme pour tout ce qui se trouve autour de vous, vous ne voyez pas cet avion en temps réel. Vous le voyez avec un léger décalage. Les photons lumineux qui s’en échappent voyageant à 300 000 km à la seconde, vous le voyez donc avec un retard d’environ 0,03 seconde.
Et ainsi de suite pour tout ce qui vous entoure. Vous parlez à une personne qui se tient devant vous, disons à deux mètres de distance. Eh bien, vous la voyez dans le passé, telle qu’elle existait voilà 0,000007 seconde.
Cela s’applique même à vous-même. Vous tendez votre bras vers l’avant et vous regardez votre main qui est à 50 cm devant vos yeux. Vous la voyez avec un retard d’environ 0,000002 seconde.
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Depuis tout à l’heure, je parle de vous – vous vous vous. Mais ce phénomène s’applique pour tout le monde, sans aucune exception : pour vous, oui, mais aussi pour moi, pour vos frères et sœurs, pour tous les êtres humains de la Terre. Pour les animaux également. Et même les choses, à la limite, en admettant que celles-ci puissent « voir ».
Mais restons-en aux êtres humains, si vous permettez. C’est déjà assez capotant comme ça.
Je résume :
- Du fait de la vitesse de la lumière, tout ce qui entoure l’être humain, peu importe où il se trouve sur la Terre, provient du passé et sa lumière se dirige droit vers lui, dans le présent.
- Du fait de l'expansion de l'univers, tout ce qui entoure l’être humain, peu importe où il se trouve sur la Terre, s’éloigne de lui (rappelez-vous l’exemple du gâteau aux raisins qui cuit au four), et se dirige vers le futur.
Conséquemment, je vous pose maintenant la question du début de cet article : où est situé le centre de l’univers ? Un indice : regardez les deux pictogrammes ci-dessus et mettez-vous à la place du bonhomme.
Vous avez saisi ?
Eh oui…
Le centre de l’univers se tient exactement à l’endroit pile où vous vous trouvez. Plus précisément, c’est à l’endroit où se trouve votre œil.
Autrement dit : vous êtes le centre de l’univers.
Mais le plus flippant, c’est que chaque être vivant peut prétendre détenir ce titre prestigieux, et ce, peu importe où il se trouve dans le cosmos. Voilà une information qui devrait plaire aux narcissiques : étant donné qu'ils se considèrent déjà comme le nombril du monde, voilà qu'ils pourront dorénavant se vanter qu'ils sont le centre de l'univers. Ha !
Pour ma part, c’est là que j’arrête, car comme d’habitude, c'est là que je suis en train de devenir fou braque.
PS) Les sciences vulgarisées vous intéressent ? Alors, cliquez ici pour visionner un reportage très bien fait sur la vitesse de la lumière.
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