2013-02-20 --- Les aventures d'Indiana Yvan à l'assaut du Pichincha
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De : Yvan – Quito
Date : mercredi, 20 février 2013
À : parents et amis
Bonjour à tous,
Ouf… Pour une dernière journée, c’en fut toute une… Je me serai promené dans les hauteurs jusqu’à la dernière seconde… Et je suis (encore) crevé…
Ce matin, la température se prêtait (enfin !) à ma petite expédition. Ça fait que je n’ai fait ni un ni deux : j’ai sauté dans un taxi et je me suis fait conduire au… Mais attendez une minute… Je suis donc bien excité, moi, là…
Sachez tout d’abord que la ville de Quito est construite sur les bords de deux volcans : un actif et un éteint. Ils portent respectivement le nom de Rucu Pichincha (« vieux Pichincha ») qui est celui qui est éteint ; et le Guagua Pichincha --- prononcez ouaoua --- (« jeune Pichincha ») qui est celui qui menace constamment la ville.
Au cours de mes deux premières semaines à Quito, j’avais essayé autant comme autant de faire une excursion pour monter le Pichincha actif. Mais ça avait été impossible – à moins de payer pour un guide privé, ce qui était hors de prix. La très gentille Paola, de l’agence Maritetour, m’avait dit que la montée du Pichincha n’intéressait à peu près personne ; les gens préférant aller directement au Cotopaxi.
J’avais donc décidé de me rabattre sur le « vieux » Pichincha (le Rucu), celui qui ne fait plus de mal à une mouche depuis belles lurettes… et qui est beaucoup plus accessible.
Pour ce faire, dans un premier temps, on fournit un minimum d’efforts en se servant du téléphérique qui nous monte jusqu’à une hauteur de 4050 mètres. À partir de là, on essaie de se rendre à son sommet (4696 mètres) via un sentier aménagé qui y conduit en deux ou trois heures de marche. Le Guagua, qui se trouve quant à lui un peu plus loin, nécessite plusieurs heures de marche supplémentaire – avec un guide (quasi obligatoire).
Tout de suite après le petit-déj, ce matin, je me suis donc rendu au TelepheriQo Cruz Loma. L’accueil est franchement décevante, comme beaucoup d’endroits de ce genre : surexploitée touristiquement, avec des manèges (c’est n’importe quoi…), des magasins et mettez-en… M’enfin, lorsque je suis arrivé, tout cela était fermé – heureusement !
Le billet coûte 4,50 $ pour les Équatoriens, et 8,50 $ pour nous-autres, les étrangers – ça me rappelle l’Inde, qui fonctionnait comme ça, aussi… À l’heure où je suis arrivé, j’étais seul. Ça n’a donc pas lésiné. Les cabines sont conçues pour accueillir six personnes. J’étais évidemment seul dans la mienne. Et le tout n’a pas mis longtemps à s’ébranler…
J’imagine que vous avez tous pris un téléphérique à un moment ou un autre de votre vie. Vous savez donc que ça fait toujours un petit frisson dans le dos quand on commence à prendre de la hauteur. Mais on s’habitue vite. Faut juste faire confiance à la machine et ne pas penser à ce qui arriverait si ça décrochait et que la patente se mettait à glisser vers le bas – comme le funiculaire de Québec, en 96, genre.
Le spectacle est rapidement devenu époustouflant : une vue imprenable, en l’occurrence, sur la ville de Quito. Ouf… Absolument majestueux, oui… à couper le souffle.
Une fois en haut, je me suis mis aussitôt à marcher dans un sentier. Mon but était évidemment de me rendre au faîte du Rucu.
En fait, j’avais le choix entre deux sentiers : le bon et le mauvais. Mais l’affaire, c’est que je ne me suis jamais rendu compte qu’il y en avait deux (sentiers) qui partaient du téléférique. Ne me posez surtout pas la question qui tue, à savoir pourquoi je n’en ai vu qu’un seul. J’en sais absolument rien. Le deuxième était bel et bien là, mais je ne l’ai pas vu, un point c’est tout. J’ai donc tout de suite pris le seul que j’ai vu. Vous pouvez par contre me demander c’était lequel : le bon ou le mauvais ? Ha ! Qu’est-ce que vous en pensez ? Le mauvais, bien sûr…
Je suis descendu dans une trail qui est vite devenu un sentier plus ou moins visible à l’œil nu. Et il s’est mis à y avoir des intersections devant lesquelles je demeurais perplexe pendant de longues secondes. Mais fort de mon audace et faisant confiance à mon instinct (mmm…), j’allais toujours résolument de l’avant.
Un moment donné, il n’y a plus eu de trail du tout. J’étais dans un champ où nul pied de l’homme n’avait jamais foulé cette terre. J’étais un peu perdu, et je me demandais sérieusement si je n’étais pas mieux de faire demi-tour… Lorsque tout à coup…
Lorsque tout à coup ?
Lorsque tout à coup, le ciel m’a envoyé un signe…
En levant la tête, j’ai aperçu, très haut sur la crête d’une montagne, la minuscule tête d’un randonneur qui s’en allait allègrement dans la même direction que moi ; et qui semblait ne pas avoir le même problème que le mien. Devinant – à raison – qu’il y avait là un sentier plus évident que celui dans lequel je n’étais plus, j’ai opté pour l’ascension à travers les broussailles afin de rejoindre cet endroit.
C’est à partir d’ici que le titre de ma chronique prend son sens.
Ça n’a vraiment pas été évident. J’étais dans le foin et les broussailles jusqu’aux hanches ; je ne voyais pas où je posais les pieds ; et ça montait à pic je vous en passe un papier, tellement que je me retenais à pleines mains aux gerbes de foin pour ne pas tomber par en arrière. Et pis ça pompait en s’il vous plait – n’oubliez pas que j’étais minimalement à 4200-4300 mètres d’altitude…
Mais après une demi-heure, j’ai fini par y arriver ! Une fois en haut, une trail – très visible, celle-là – s’en allait vers l’avant sans aucune équivoque quant à la direction. Je me suis mis à la suivre avec le gros sourire dans la face.
Mais ça n’a pas été trop long que cette piste – toujours bien dessinée – est devenue de plus en plus weird…
Elle s’est mise tout à coup à longer une paroi rocheuse très à pic qui s’élançait vers le ciel sur ma gauche. Et sur ma droite, une pente très très raide descendait sur des centaines de mètres. Et le sentier n’était plus guère plus large que quelques 40-50 cm par bouts…. C’était un peu épeurant. Je n’ai pas vraiment le vertige, mais là, je vous avoue que je n’en menais plus trop large. Un seul faux pas et je risquais de débouler en bas de la falaise. Je n’arrêtais d’ailleurs pas de penser à ma mésaventure de la veille, dans la rue, à Cuenca. Si je trébuchais comme je l’avais fait à cet endroit, ce n’était plus un autobus qui risquait de me passer sur le corps, mais bien une chute qui pouvait me rompre les os.
Mais quand même : je capotais ben raide. Il y avait là un frisson d’aventure qui ne me déplaisait pas du tout de ressentir. Fallait juste que je regarde où je déposais les pieds. Simple non ? Et en faisant ça, ça m’empêchait de jeter des coups d’œil dans le vide, sur ma droite.
Et pis un moment donné…
Et pis un moment donné, le sentier s’est arrêté net au milieu de nulle part. C’était comme ça. Un pas de plus et c’était le vide. Je n’y comprenais rien. Nous n’étions pas encore au sommet de la montagne. Alors quoi ?
Alors, je suis revenu sur mes pas (en montant), et une vue plongeante m’a fait me rendre compte que le sentier continuait bel et bien. Mais pour le rejoindre, fallait escalader des rochers sur une hauteur d’environ cinq mètres et qui donnaient sur l’à-pic.
Très dangereux…
J’ai tenté la chose, remarquez, mais j’ai rapidement renoncé. C’est que je me suis raisonné. J’ai pris conscience que j’étais seul au monde dans cet endroit perdu ; le brouillard s’était levé et le champ de vision commençait sérieusement à se restreindre. Je jouais avec ma vie (ça fait mélodramatique de dire ça, hein ?). Et j’ai vu un titre dans le Journal de Montréal du lendemain : « Le corps disloqué d’un touriste québécois est retrouvé sans vie dans la Cordillère des Andes. On se perd en conjectures sur la raison de cette tragédie ». Et j’ai pensé à ma fille qui avait encore besoin de moi. Et j’ai pensé à vous tous, qui risquiez de perdre un être très cher… Ha !
Bref, voilà ce qui a mis fin à mon ascension. Un peu décevant, je sais. Cela faisait 2¼ heures que je montais ainsi sans arrêt, et j'ignore si j'étais près du but. Peut-être que oui... On va dire ça de même...
C’est en redescendant que j’ai pris la pleine mesure de tout le chemin que j’avais parcouru – et de toutes les côtes que j’avais montées. Et tout cela à une altitude se situant entre 4100 et 4500 mètres (et toujours sans aucun symptôme du soroche). Encore une fois, je m’en suis fait une petite fierté personnelle…
Anecdote, en descendant…
Un moment donné, j’ai entendu des sons… Quelqu’un parlait très fort dans la montagne. Et au détour d’une courbe, j’ai aperçu, à une trentaine de mètres au-dessus de moi, sur un piton rocheux, un mec qui avait les bras dans les airs et qui criaient des incantations en regardant le ciel.
Un hurluberlu ?
Sans doute… Mais là, j’ai vu aussi ce qui se trouvait devant lui : un gros oiseau. J’étais sûr que c’était un condor !! Le gars se tenait debout drette devant le nid ! Tu parles d’une affaire, toi ! Paraît qu’il est très rare qu’on voit ces oiseaux-là dans les montagnes. Faut être chanceux en titi, semble-t-il.
Les condors étaient des oiseaux sacrés pour les Incas. Et ils continuent d’être vénérés par certaines populations. Le gars qui se tenait là devait évidemment être un illuminé. Et j’étais certain que le condor l’avait fait capoter. Je l’ai vu mettre de la nourriture dans le nid, pendant que la famille de tits oiseaux se tenait là, sans faire mine de s’en aller.
Mais ce n’était pas un condor. Lorsque j’ai montré la photo à ma famille d’accueil, ils ont presque ri de moi… Ils m’ont dit le nom du moineau, mais je ne m’en rappelle plus – étant donné que ce n’est pas un condor, c’est sans intérêt (et je boude…).
Le reste a été ordinaire. J’ai marché, marché, marché jusqu’au téléphérique ; et celui-ci a fait le reste.
Ça va faire drôle, la semaine prochaine, lorsque je retournerai au boulot, de faire ma petite marche de cinq minutes, sur un trottoir au niveau, et à environ quinze mètres d’altitude… Ouf, c’est ce qui s’appellera « revenir sur la terre ferme »…
D’ici là, un long et fastidieux voyage de retour m’attend demain… À cause de ce foutu nouvel aéroport, je vais quitter la maison de Laly vers 6h00 (en me payant le luxe du taxi)… De retour chez moi le lendemain, vers 10h00. Si on compte, ça fait bien quelque chose comme 28 heures en ligne sans dormir…
Voilà ! C’est ce qui met un terme à mes écrits. Ceux qui m’ont lu, merci de l’avoir fait. Ceux qui m’ont écrit, merci d’avoir allégé mes moments de solitude
On se revoit bientôt, tout le monde ! ¡Hasta pronto!
Yvan
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